Ex parte vestra
Le crime d'apostasie des juifs baptisés est de la compétence de l'Inquisition même s'ils ont fui dans les églises
Dilectis filiis inquisitoribus heretice pravitatis per regnum Francie constitutis, salutem etc. Ex parte vestra fuit nuper propositum coram nobis, quod nonnulli de heretica pravitate culpabiles vel suspecti aut accusati, seu conversi de Iudaica cecitate ad fidem Catholicam, postmodum apostatantes ab ipsa ad ecclesias confugiunt, non ad salutis remedium, sed ut vestras manus effugiant et suorum scelerum vitent iudicium ultionis, super quo apostolice sedis providenciam humiliter implorastis. Nos igitur ad extirpandos orthodoxe fidei inimicos, et erbam tam noxiam tamque pestiferam de orto Dominico radicitus evellendam solicitis studiis intendentes, discretioni vestre, ad instar felicis recordationis Martini pape IIII predecessoris nostri, qui per apostolicas litteras inquisitoribus heretice pravitatis per regnum Francie constitutis idem mandavit, per apostolica scripta mandamus, quatinus contra illos, quos de huiusmodi heretica pravitate fore culpabiles, vel de illa notabiliter suspectos esse vobis constiterit, accusatos etiam de labe predicta conversos quoque Iudeos et postmodum patenter vel verisimilibus indiciis apostatantes a fide, iuxta qualitatem delicti exequamini libere officii vestri debitum, ac si ad ecclesias et loca predicta minime confugissent; contradictores per censuram ecclesiasticam, appellatione postpostia, compescendo. Et ut nullum in hac parte possit obstaculum vobis poni, venerabilibus fratribus nostris archiepiscopis et episcopis per regnum Francie constitutis, per alias nostras litteras iniungimus ut vos non impediant, quominus huiusmodi mandatum nostrum implere libere valeatis, sed potius ad requisitionem vestram in hiis vobis assistant, sicut extiterit opportunum. Dat. Avinione, Idibus Augusti anno primo.
S. Simonsohn, ed. The Apostolic See and the Jews, vol. 1, Documents: 492-1404 (Toronto, 1988), 303-304.
A nos fils bien-aimés, inquisiteurs de l’hérésie dépravée, établis au royaume de France, salut… De vos régions, il nous a récemment été rapporté que certains de ceux qui sont coupables, suspects ou accusés d’hérésie dépravée, ou des convertis de la cécité judaïque à la foi catholique ayant ensuite apostasié, avaient fui vers les églises et sanctuaires non pour y trouver le remède du salut mais pour échapper à votre emprise et éviter un jugement de condamnation de leur crime, raison pour laquelle vous implorez la providence du Siège apostolique. C’est pourquoi, pour extirper les ennemis de la foi orthodoxe, et entendant arracher par les racines ces plantes nocives et pestiférées du jardin du Seigneur, avec votre discernement et à l’instar du pape Martin IV notre prédécesseur d’heureuse mémoire (qui a mandé par lettres apostoliques des inquisiteurs de l’hérésie dépravée établis dans le royaume de France), nous mandons par ces écrits apostoliques que vous exécutiez librement, selon la nature du délit, l’obligation que vous tenez de votre office contre ceux qui, de quelque manière, sont ouvertement coupables d’hérésie dépravée, ou sont notablement suspectés par vous de pareils forfaits, et aussi contre les juifs convertis accusés de la souillure déjà mentionnée, ayant ouvertement ou selon toute vraisemblance apostasié la foi, comme s’ils n’avaient pas fui dans les églises et lieux déjà mentionnés et en réprimant par la censure ecclésiastique ceux qui s’y opposent, l’appel étant repoussé. Et pour qu’aucun obstacle ne puisse, dans cette région, vous être opposé, nous ordonnons par d’autres lettres à nos vénérables frères, archevêques et évêques établis dans le royaume de France qu’ils – désireux que notre mandat soit pleinement respecté – ne vous empêchent pas, mais au contraire, à votre demande, vous assistent dans ces affaires, chaque fois que nécessaire. Donné à Avignon pendant les ides d’août, la première année [de notre pontificat.]
C. Nemo-Pekelman
Cette bulle du pape Jean XII aux inquisiteurs de France réitère les décisions de décrétales antérieures, les juifs convertis au christianisme puis apostats étant décrétés justiciables des tribunaux de l'Inquisition. Sont aussi concernés ceux qui ont fui dans les églises pour échapper aux inquisiteurs. Elle ordonne également que les évêques de France assistent les inquisiteurs dans leurs poursuites.
Cette bulle s'inscrit dans le contexte de la politique pontificale de lutte contre l'hérésie et l'hétérodoxie. L'inquisition de l'hérésie était déjà bien établie, dans certaines parties de la Provence, depuis le début du XIVe siècle. L'introduction, dans la juridiction des tribunaux d'inquisition, des juifs convertis au christianisme puis relaps est quant à elle plus récente, remontant à la bulle Turbato corde de 1267, et moins souvent invoquée.
accusation ; apostasie ; conversion au christianisme ; Juifs/Judaïsme
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°87465, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87465/.