Code Théodosien
Interdiction faite aux juifs de régler leurs différends civils devant leurs juridictions internes, celles-ci ne pouvant être saisies que sur le mode de l'arbitrage
Impp. Arcadius et Honorius AA. ad Eutychianum p(raefectum) p(raetori)o.
Iudæi Romano et communi iure viventes in his causis, quæ non tam ad superstitionem eorum, quam ad forum et leges ac iura pertinent, adeant sollemni more iudicia omnesque romanis legibus inferant et excipiant actiones ; postremo sub legibus nostris sint. Sane si qui per compromissum, ad similitudinem arbitrorum apud iudæos vel patriarchas ex consensu partium, in civili dumtaxat negotio, putaverint litigandum, sortiri eorum iudicium iure publico non vetentur ; eorum etiam sententias provinciarum iudices exequantur, tamquam ex sententia cognitoris arbitri fuerint adtributi.
Dat. III non. feb. Constant(ino)p(oli) Honor(io) A. IIII et Eutychiano v. c. conss.
T.Mommsen & P.Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1904, 4th reed. 1971), 75-76.
Les deux Augustes Arcadius et Honorius à Eutychianus, préfet du prétoire. Les juifs, qui vivent en Romains et selon le droit commun, doivent s’adresser aux tribunaux de la façon régulière, non pour les causes qui appartiennent à leur superstition, mais pour celles qui relèvent des procès, des lois et du droit, et tous doivent engager des actions et se défendre suivant les lois romaines ; bref, ils doivent être soumis à nos lois. Si certains jugent bon de porter leurs litiges, pourvu qu’il s’agisse d’affaires civiles, devant des juifs ou des patriarches comme à des arbitres, par compromis et avec l’accord des parties, qu’il ne soit pas interdit d’accepter le verdict de ceux-ci selon le droit de la Respublica ; les gouverneurs des provinces feront exécuter leurs sentences comme si les arbitres avaient été affectés par sentence d’un juge. Donné le 3e jour avant les nonnes de février à Constantinople pendant le quatrième consulat d'Honorius Auguste et celui d'Eutychianus.
C.Nemo-Pekelman
Le texte provient de la chancellerie du chambellan Eutropius dont le questeur - en charge entre le 1er janvier 396 et le 30 décembre 399 - serait à l'origine de pas moins de cent-onze constitutions. Une ligne claire ressort de cette importante production juridique : l'affirmation de la souveraineté de la Respublica sur les sujets de l'Empire1. Ici, le questeur avertit les juifs qu'étant citoyens romains (depuis l'Edit de Caracalla de 212), ils sont justiciables des juridictions de droit commun, c'est-à-dire des tribunaux des gouverneurs de provinces. L'incise - "non pour les causes qui appartiennent à leur superstition" - ne constitue une concession faite aux juifs qu'en apparence. En effet, le critère de répartition des compétences rationae materiae était inapplicable en pratique, les droits juif et romain ayant vocation à régler les mêmes matières (mariage, donation, succession, propriété, vente...). Les tribunaux juifs se voient donc nier tout pouvoir judiciaire. Leurs compétences se réduisent à celles de simples instances d'arbitrage, ce qui diminue leur pouvoir à deux titres : en amont, elles ne peuvent être saisies que si le défendeur y consent ; en aval, leurs sentences sont dépourvues de force exécutoire, l'exécution forcée ne pouvant être ordonnée qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par les gouverneurs de provinces.
1 . T. Honoré, Law in the Crisis of Empire. 379-455 AD. The Theodosian Dynasty and Its Quaestors (Oxford, 1998), 81-92>
Cette constitution fait partie des rares textes relatifs aux juifs retenus dans le Bréviaire d'Alaric de 506 (BA 2.1.10). Elle a été assortie d'une interprétation qui modifie le sens et la portée du texte. Elle a également été reprise dans le Code Justinien de 533 (CI 1.9.8) dans une version qui, selon certains, en modifie radicalement le sens et qui, selon d'autres, ne fait que le clarifier.
conflit de lois ; droit juif ; Juifs/Judaïsme ; juridiction ; procédure judiciaire
Adam Bishop : traduction
Notice n°70988, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait70988/.