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Maiores ecclesiae

Auteur

Innocent III

Titre en français

Maiores ecclesiae

Titre descriptif

L'effet et le caractère du baptême sur les convertis de force

Type de texte

Bulle pontificale

Texte

Item, vero queritur, utrum hujusmodi dormientibus et amentibus sacramenti saltem character in baptismate imprimatur, ut excitati a somno vel ab egritudine liberati non sint denuo baptizandi. Sunt autem nonnulli, qui dicunt quod sacramentum, que per se sortiuntur effectum, ut baptismus, et ordo, ceteraque similia, non solum dormientibus et amentibus, sed invitis etiam et contradicentibus, etsi non quantum ad rem, quantum tamen ad characterem conferuntur, quum non solum parvuli, qui non consentiunt, sed et ficti, qui quamvis non ore, corde tamen dissentiunt, recipiant sacramentum. Sed opponitur talibus, quod qui fuissent inviti et reluctantes immersi, saltem ratione sacramenti ad jurisdictionem ecclesiasticam pertinerent; unde ad servandam regulam fidei Christiane forent rationabiliter compellendi. Verum id est religioni Christiane contrarium, ut semper invitus et penitus contradicens ad recipiendam et servandam Christianitatem aliquis compellatur. Propter quod inter invitum et invitum, coactum et coactum, alii non absurde distinguunt, quod is qui terroribus atque suppliciis violenter attrahitur, et ne detrimentum incurrat, baptismi suscipit sacramentum, talis quidem, sicut et is, qui ficte ad baptismum accedit, characterem suscipit Christianitatis impressum, et ipse tanquam conditionaliter volens, licet absolute non velit, cogendus est ad observantiam fidei Christiane; in quo casu debet intelligi decretum concilii Toletani, ubi dicitur quod "qui jampridem ad Christianitatem coacti sunt, sicut factum est temporibus religiosissimi principis Sisebuti, quia jam constat eos sacramentis divinis associatos, et baptismi gratiam suscepisse, et chrismate unctos esse, et corporis Domini exstitisse participes, oportet etiam ut fidem, quam necessitate susceperunt, tenere cogantur, ne nomen Domini blasphemetur, et fides quam susceperunt vilis ac contemptibilis habeatur"(Tol. IV, c. 57). Ille vero, qui nunquam consentit, sed penitus contradicit, nec rem, nec characterem suscipit sacramenti, quia plus est expresse contradicere quam minime consentire: sicut nec ille notam alicuius reatus incurrit, qui contradicens penitus et reclamans thurificare idolis cogitur violenter.

Langue

Latin

Source du texte original

Decretales Bk. 3, tit. 42, c. 3, in Corpus Iuris Canonici, v. 2, E. Friedberg & A.L. Richter (Graz, 1955; 1995), 646.

Datation

  • Date fixe : 1201
  • Précisions : Septembre - octobre 1201

Aire géographique

  • Provence
  • La lettre, écrite à Rome, est adressée à l'évêque d'Arles en Provence.

Traduction française

De la même façon, on s'est vraiment demandé si le sacrement marque de son empreinte ceux qui dorment ou ceux qui sont fous au moment du baptême de sorte qu'une fois tirés de leur sommeil ou libérés de leurs afflictions ils n'aient pas besoin d'être de nouveau baptisés. Certains, cependant, disent que les sacrements dont on reçoit l'effet en soi, comme le baptême, les ordres saints et consorts ne se donnent seulement à ceux qui sont endormis mais aussi à ceux qui le refusent et aux récalcitrants même si c'est plus leur tempérament qui est touché que leur essence, puisque non seulement les enfants qui ne donnent pas leur accord mais aussi les hypocrites qui s'y opposent même si ce n'est pas avec la bouche mais avec le coeur reçoivent le sacrement. Mais il est contraire à la religion chrétienne que ceux qui sont en permanence dans le refus et qui s'y opposent totalement soient obligés à recevoir et conserver le christianisme. C'est pourquoi d'autres, en toute logique, font la distinction entre ceux qui sont volontaires et ceux qui ne le sont pas, ceux qu'on a forcés et ceux qui ne l'ont pas été, parce que quiconque y est entraîné violemment dans la peur et sous la menace, sauf s'il reçoit une blessure, reçoit le sacrement du baptême. Un tel individu en effet, comme celui qui accepte faussement le baptême reçoit la marque du christianisme ; et puisqu'il est d'accord sous certaines conditions même s'il ne l'est pas complètement, il doit être sommé d'observer la foi chrétienne. C'est en ce sens que le concile de Tolède doit être compris lorsqu'il y est dit que "ceux qui ont déjà été forcés [à observer le] au christianisme, comme cela s'est produit à l'époque du très pieux prince Sisebut, parce qu'ils avaient déjà été associés aux divins sacrements — ayant reçu la grâce du baptême, été oints avec le chrisme et pris part au corps du Christ — il est logique qu'ils soient forcés à conserver la foi qu'ils ont reçue par nécessité, à moins que le nom de Dieu ne soit blasphémé et la foi qu'ils reçurent considérée comme vile et méprisable (Tol. IV, c. 57)". Mais celui qui n'a jamais accepté et qui refuse complètement ne reçoit ni la substance ni le signe du sacrement parce que refuser nettement a plus de valeur qu'accepter à demi-mot. De la même façon n'encourt pas le risque d'être condamné celui qui, malgré ses fortes protestations et objections est violemment obligé à brûler de l'encens devant des idoles.

Source traduction française

L. Foschia

Résumé et contexte

Nous avons affaire ici à l'extrait d'une lettre écrite à Imbert, archevêque d'Arles, en réponse, de toute évidence, à la demande suivante : si quelqu'un a été baptisé alors qu'il dormait ou n'avait pas toute sa tête, doit-il être rebaptisé lorsqu'il s'éveille ou guérit. Question et réponse peuvent toutes deux être lues dans le contexte des critiques émises à cette époque contre le fait de baptiser les bébés : en effet, ils ne pouvaient pas donner leur accord. Innocent (ou le secrétaire qui a ébauché cette lettre) choisit de répondre à cette question en faisant référence à d'autres types de baptêmes non consensuels, notamment le baptême forcé. Dans sa décrétale, Innocent déclarait que tant que l'individu n'avait pas protesté au cours du rituel lui-même, quelle qu'ait été la violence employée auparavant, il était volontaire sous certaines conditions et donc baptisé et soumis à l'autorité ecclésiastique. Quiconque avait élevé des protestations durant tout le rituel était totalement dans le refus, n'avait pas reçu le sacrement et demeurait donc en dehors de l'Église. La notion de marque sacramentelle est un peu curieuse pour des lecteurs modernes. Durant les XIIe et XIIIe siècle cependant, il n'était pas rare de se référer au baptême ou de le décrire comme laissant une marque invisible sur ses récipiendaires. C'est pourquoi j'ai traduit par "estampille" ou "marque". La dernière phrase est une allusion aux débats qui avaient lieu dans l'Antiquité tardive à propos de ceux qui renonçaient au christianisme sous les pressions : pouvaient-ils vraiment être considérés comme des chrétiens ?

Signification historique

Bien que les Maiores ne mentionnent ni les juifs ni les musulmans, ce texte dut avoir des conséquences sur leurs communautés. À la fin du XIIe siècle, les autorités séculaires et ecclésiastiques autorisèrent habituellement, de manière explicite ou implicite les convertis de force à revenir au judaïsme. Les Maiores devinrent la base des condamnations ecclésiastiques ultérieures portant sur cette pratique. Après que le Turbato corde eut étendu la juridiction inquisitoriale aux judaïsants en 1267 et aux convertis relaps en 1274, des inquisiteurs comme Bernard Gui utilisèrent les critères exposés dans les Maiores pour déterminer si les baptisés de force étaient des chrétiens et s'ils étaient ou non soumis à la procédure inquisitoriale. Ceci devait modifier la manière dont les autorités chrétiennes percevaient les convertis de force et se comportaient avec eux, mais pas seulement. Cela jetait aussi les fondations de nouvelles angoisses portant sur les faux convertis et le crypto-judaïsme qui s'épanouissaient dans le sillage des expulsions et des conversions forcées des XIVe et XVe siècles.

Malgré la citation explicite, les Maiores relèvent moins de Tolède IV que du Decretum et des commentaires que les décrétistes de la fin du XIIe siècle avaient fait de celui-ci. Plus particulièrement, la distinction faite entre ceux qui refusent sous conditions ou totalement est adaptée de et empruntée à la distinction faite par Huguccio de Pise (m. 1210) entre la coercition absolue et la coercition conditionnelle dans son Summa decretorum. Cette lettre fut ensuite intégrée dans les Décrétales de Grégoire X où elle bénéficia à son tour de gloses explicatives et de commentaires.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Mots-clés

apostasie ; apostasie ; baptême ; conversion forcée ; Juifs/Judaïsme

Auteur de la notice

Jessie   Sherwood

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°30473, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30473/.

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