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Costums de Tortosa [9:2:7]

Auteur

Costums de Tortosa

Titre en français

Coutumes de Tortosa

Titre descriptif

Interdiction des relations sexuelles intercommunautaires

Type de texte

coutume

Texte

Si jueus o sarrains seran trobats jaen ab crestiana lo jueu o el sarrai deuen esser tiraçats e rocegats, e la crestiana deu esser cremada: en guisa y en manera que muyren, e aquesta accustacio pot ser tot hom de poble senes pena de talio ne daltra.

Langue

catalan

Source du texte original

Coutumes de Tortosa, livre 9, rubrique 2, chapitre 7

Datation

  • Date fixe : 1279

Aire géographique

Traduction française

Si des juifs ou des sarrasins mâles sont retrouvés couchés avec une chrétienne, le juif ou le musulman devront être écartelés et la chrétienne brûlée jusqu’à ce qu’ils en meurent. Et cette accusation peut être portée par tout habitant de la ville, sans risquer la peine du talion ou toute autre pénalité.

Source traduction française

D.Nirenberg, Violence et minorités au Moyen Âge (Paris, 2001), 163.

Résumé et contexte

Les relations sexuelles entre les différentes religions ont, de tout temps, été un problème majeur, un souci partagé par les trois communautés. David Nirenberg propose une réflexion pour comprendre la raison de cette prégnance dans l’esprit des contemporains. Pour cela, il cite un extrait des Siete Partidas : “Puisque les chrétiens qui commettent l’adultère avec des femmes mariées méritent la mort, c’est encore bien plus vrai des juifs qui couchent avec les chrétiennes, car celles-ci sont les épouses spirituelles de Notre Seigneur Jésus-Christ par la vertu de la foi et du baptême qu’elles ont reçu en Son nom […]. Et la chrétienne qui commet une telle transgression […] recevra le même châtiment que celle qui couche avec un musulman” (7.24.9). Cette peur du métissage est donc omniprésente en pensée, dans les textes normatifs, mais aussi dans les sources de la pratique comme les procès. Toutefois, il faut prendre avec des pincettes ce type d’accusation contre un juif ou un musulman. Il arrivait très souvent que l’accusateur argue de méfaits afin de dévaluer celui contre lequel il était en justice. Constituant le moyen le plus sûr d’obtenir une condamnation car étant un crime impardonnable, l’accusation de métissage était donc brandie régulièrement lors de procès, et ainsi il était possible d’éviter de rembourser les dettes contractées par le défendeur auprès du prévenu. De l’autre côté, les juifs et musulmans se servent de cette accusation afin de s’immiscer dans les luttes de pouvoir, pour assouvir une vengeance ou par jalousie envers le voisin ou le concurrent direct.

Signification historique

Ce texte n’est pas le seul à faire mention de cette peur du métissage, le fuero de Teruel réprimant aussi durement cet acte : “Otrosí, si muger cristiana con moro o con iudío fuere trobada e pudieren seer presos, amos como es dicho ensenble sean quemados.” (Fuero de Teruel, chapitre 497) : “De même, si une femme [chrétienne] est surprise avec un musulman ou un juif et s’ils peuvent être fait prisonniers, qu’ils soient brûlés ensemble.” (Nirenberg, 163). Les punitions dans le cas de relations sexuelles entre les communautés sont très sévères et, le plus souvent, sont des peines de mort. Le fuero de Valence condamne aussi les chrétiens et les juives surpris ensemble à être brûlés ; alors que lorsqu'il s'agit d'un chrétien et d'une musulmane ils doivent être fouettés nus à travers les rues en compagnie de leur complice (Furs, libre IX, rubrique 2, 8,9). En effet, Maria Teresa Ferrer i Mallol explique que les relations sexuelles entre un chrétien et une musulmane sont moins durement punies. Ce type de métissage est très courant, notamment quand la sarrasine en question est une esclave. Les relations sexuelles entre un chrétien et une musulmane étaient donc généralement moins durement punies ; la peine normalement appliquée en Aragon était la réduction en esclavage de la femme. Le cadi musulman se montrait, le plus souvent, plus dur : elle était lapidée ou fouettée, d’autant plus si la coupable faisait, en plus d’un acte de métissage particulièrement répréhensible, montre d’adultère. Si les deux crimes étaient perpétrés, la loi musulmane condamnait la fautive à la peine corporelle énoncée et à une perte des droits héréditaires. Seul le roi pouvait empêcher sa mort en la rendant esclave. D’un autre côté, si un sarrasin a des relations charnelles avec une chrétienne, cas bien moins fréquent, il doit subir la mort pour son acte.

Manuscrits

  • Ce recueil de coutumes prend naissance dans les chartes de peuplement données à la ville par Ramon Berenguer IV en 1148 et en 1149. En 1274, une première tentative de compilation a été menée par les notaires de Tortosa Pere Tamarit et Pere Gil, mais elle fut rejetée par les seigneurs. Elle ne fut approuvée qu’en 1279, après l'arbitrage de l'évêque de Tortosa Arnau Desjardí, l'archidiacre de Lleida Ramon de Besalú et de Domènec Terol.

Editions

  • D.Ramon Foguet, Codigo de las costumbres escritas de Tortosa (Tortosa, 1912), 402.

Traductions

  • D. Nirenberg, Violence et minorités au Moyen Âge (Paris, 2001), 163.

Etudes

  • M.-T. Ferrer i Mallol, Els Sarraïns de la corona catalano-aragonesa en el segle XIV: segregacio i discriminacio (Barcelona, 1987).
  • D.Nirenberg, Violence et minorités au Moyen Âge (Paris, 2001).

Mots-clés

relations sexuelles

Auteur de la notice

Youna   Masset

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°30380, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30380/.

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