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Basileae: Sessio XIX[De iudeis et neophytis]

Assemblée

Concilium Basileensis

Titre en français

Concile de Bâle : Session 19 — Sur les juifs et les néophytes

Titre descriptif

Décret sur les juifs et les néophytes

Type de texte

Canon de concile

Texte

Sacrosancta generalis synodus Basileensis, in Spiritu sancto legitime congregata, universalem ecclesiam repraesentans, ad perpetuam rei memoriam. Salvatoris nostri Iesu Christi sequens vestigia (cf. 1 Pt. 2.21), haec sancta synodus illud gerit potissime in visceribus caritatis, ut omnes evangelicam veritatem agnoscant, et in ea, postquam agnoverint, fideliter perseverent. Proinde, ut Iudaei aliique infideles ad orthodoxam convertantur fidem, quique ad ipsam conversi fuerint in illa constanter permaneant, his salubribus institutis providere decernens, in primis statuit, ut omnes dioecesani quosdam in litteris divinis bene eruditos aliquot vicibus annuatim deputent in locis, ubi Iudaei aut alii infideles degunt, ad praedicandum et explanadum taliter catholicae fidei veritatem, ut ipsi infideles, qui audiunt, suos valeant errores recognoscere. Ad quam praedicationem sub poenis tam commercii per fideles illis interdicendi, quam aliis ad hoc opportunis ipsos infideles cuiuscumque sexus in annis discretionis constitutos accedere compellant. Ipsi autem dioecesani ac praedicantes ita se erga illos propitios ac caritate plenos exhibeant, ut non solum propalatione veritatis, sed et aliis humanis1 officiis ipsos Christo lucrifaciant. Christianos autem cuiuscumque dignitatis aut status quomodolibet impedientes, ne Iudaei ad huiusmodi praedicationem conveniant aut arceantur, notam fautoriae infidelitatis incurrere ipso facto decernit. Ut autem haec praedicatio eo sit fructuosior quo2 praedicantes linguarum habuerint peritiam, omnibus modis servari praecipimus constitutionem editam in concilio Viennensi de duobus docere debentibus in studiis ibidem expressis linguas Hebraicam, Arabicam, Graecam, et Chaldaeam: quae ut efficacius observetur, rectores ipsorum studiorum inter alia, quae in assumptione rectoratus iurant, hoc autem addi volumus, operam se pro ipsius constitutionis observatione daturos. In conciliis etiam illarum provinciarum, in quibus huiusmodi studia constituta sunt, omnino disponatur, ut hi, qui praedictas linguas docturi sunt, stipendia debita percipere valeant. Sacros insuper canones renovantes, praecipimus tam dioecesanis quam potestatibus saecularibus, ut modis omnibus prohibeant, ne Iudaei aut alii infideles aut christianos aut christianas in familiares seu servientes aut filiorum suorum nutrices habeant, ac ne christiani cum ipsis in eorum festivitatibus, nuptiis et conviviis aut balneis seu nimia conversatione communicent, aut medicos vel matrimoniorum proxenetas seu aliorum contractuum mediatores de publico constitutos assumant, nec aliis publicis praeponant officiis, aut ad gradus quoscumque scholasticos admittant, nec eis locentur praedia vel alii redditus ecclesiastici. Prohibeantur etiam libros ecclesiasticos, calices, cruces et alia ecclesiarum ornamenta sub poena perditionis rei emere, aut pignori sub poena amissionis pecuniae mutuatae accipere. Sub gravibus quoque poenis cogantur aliquem deferre habitum per quem a christianis evidenter discerni possint. Quorum ut evitetur nimia conversatio, in aliquibus civitatum et oppidorum locis a christianorum cohabitatione separatis habitare compellantur, et ab ecclesiis longius quantum fieri potest. Nec diebus dominicis et aliis solemnibus festivitatibus apothecas apertas tenere vel in publico laborare praesumant.

Langue

Latin

Source du texte original

G. Alberigo et al., eds., Les conciles Œcuméniques: Les Décrits, vol. 2.1, (Paris, 1994), 483-84.

Datation

  • Date fixe : 1434
  • Précisions : 7 septembre 1434

Traduction française

Le saint synode de Bâle, rassemblé selon la loi dans l'Esprit Saint, représentant l'Église universelle, pour perpétuer le souvenir dans cette matière. Suivant les traces de Notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1 Pt. 2.21), ce saint synode caresse tout particulièrement, dans les entrailles de la charité, l'ambition que tous reconnaissent la vérité de l'Évangile et, une fois qu'ils l'auront reconnue, qu'ils persévèrent fidèlement dans celle-ci. En conséquence, afin que les juifs et autres infidèles puissent se convertir à la foi orthodoxe et que ceux qui se convertissent puissent indéfectiblement lui rester attachés, décidant de pourvoir à ces salutaires intentions, [ce concile] ordonne en premier lieu à tous les diocésains d'engager certaines personnes suffisamment versées dans les Écritures pour prêcher et expliquer la vérité de la foi catholique plusieurs fois par an dans les endroits où vivent des juifs et autres [infidèles], de sorte que les infidèles qui l'entendront puissent reconnaître leurs erreurs. Qu'ils poussent les infidèles des deux sexes qui se trouvent avoir l'âge de raison à assister aux sermons sous peine de se voir interdit de commercer avec les fidèles [chrétiens] et autres châtiments appropriés. Que les diocésains et prêtres se montrent aussi bien disposés et pleins de charité envers les [infidèles], de sorte qu'ils les gagnent au Christ non seulement en leur exposant la vérité, mais aussi en leur témoignant de la gentillesse et de l'humanité. Cependant, si des chrétiens, quelle que soit leur condition ou statut, y font obstacle de manière que les juifs ne se rassemblent pas pour le prêche ou en sont empêchés, [le concile] décrète qu'ils porteront automatiquement la marque propre à celui qui encourage l'infidélité. Or, afin que ce prêche soit d'autant plus fructueux que ceux qui prêchent sont habiles à manier la langue, nous ordonnons que soit observée par tous les moyens possibles la constitution publiée à Vienne au sujet des deux individus qui devaient enseigner, dans les écoles mentionnées ici-même, les langues hébraïque, arabe, grecque et chaldéenne ; afin que ceci soit observé de manière plus efficace, nous voulons que les recteurs de ces mêmes écoles ajoutent à tout ce pour quoi ils prêtent serment lorsqu'ils sont en charge qu'ils accorderont leur attention à cette constitution même. De plus, dans les conciles des provinces où sont situées ces écoles, faisons aussi en sorte de manière explicite que ceux qui enseignent les langues susdites récoltent financièrement les fruits qu'ils méritent. De plus, en renouvelant les saints canons, nous recommandons à la fois aux autorités diocésaines et séculières d'interdire absolument aux juifs ou autres infidèles d'avoir des chrétiens, hommes ou femmes pour domestiques ou serviteurs, ou comme nourrices pour leurs enfants ; et d'interdire aux chrétiens de prendre part à leurs fêtes, mariages, banquets ou bains, ou de trop converser avec eux ; ou de les employer comme médecins ou entremetteurs, ou comme négociateurs appointés pour d'autres genres de contrats ; et de les engager pour d'autres charges publiques ; ou de les accepter pour préparer quelque diplôme de philosophie que ce soit. De plus, il ne faut leur accorder aucune propriété ni aucun revenu ecclésiastique. De la même façon, il leur est interdit d'acheter des livres ecclésiastiques, des calices, croix et autres ornements que l'on trouve dans les églises sous peine de se voir confisquer l'objet en question, ni d'accepter ces pièces en garantie sous peine de perdre l'argent qu'ils auront prêté. Sous peine de lourdes amendes, ils sont également obligés de porter des vêtements qui permettent de les distinguer clairement des chrétiens. Afin que l'on n'ait pas à subir leurs échanges verbaux, ils sont contraints de résider dans les quartiers des cités et villes situés à l'écart des maisons chrétiennes et le plus loin possible des églises. Et ils ne sont pas sensés garder leurs magasins ouverts au public le dimanche ni les autres jours correspondant à des fêtes importantes.

Source traduction française

Foschia, L., le 28 janvier 2010.

Résumé et contexte

Ce texte de loi est l’un quatre décrets émis au cours de la 19ème session du Concile de Bâle. Il est précédé de deux décrets concernant l’union avec l’Eglise grecque, question qui fut l’une des principales préoccupations de ce concile, et suivi d’un décret sur les convertis. Ce décret conciliaire ordonne aux évêques et aux autorités séculaires d’organiser des sermons obligatoires pour les juifs et les autres non-chrétiens. Il réitère aussi plusieurs canons conciliaires antérieurs, parmi lesquels le canon du Concile de Vienne établissant des chaires de langues, celui de Latran IV instaurant une discrimination vestimentaire et interdisant aux non-chrétiens d’occuper des fonctions publiques et celui de Latran III empêchant les non-chrétiens d’employer des domestiques chrétiens. Il développe également certaines restrictions antérieures en spécifiant, par exemple, les fonctions officielles que les juifs et les autres non-chrétiens ne pouvaient exercer. En outre, il interdit aux non-chrétiens de travailler publiquement ou d’ouvrir leurs commerces pendant les jours fériés chrétiens.

Signification historique

Ce décret favorisant le prosélytisme et l’exclusion social est plutôt typique du traitement réservé aux non-chrétiens dans le droit canon durant le Moyen Âge tardif. Et comme pour la plupart des lois canoniques, son impact fut très variable. Les médecins juifs, par exemple, continuèrent d’être formés dans les universités italiennes et de pratiquer au sein des communautés chrétiennes. D’autre part, les mandats impériaux de 1448 et 1452 renforcèrent certaines décisions ecclésiastiques, ce qui entraîna des restrictions supplémentaires. Par exemple, en 1460, le conseil de la ville de Frankfurt décida d’isoler les juifs du reste de la population en les installant dans un quartier à part, entouré de murs de séparation. Ce canon conciliaire contribua ainsi à donner l’impulsion à une plus grande ségrégation sociale qui caractérisa la plupart des lois sur les juifs et les musulmans instaurées pendant le XVème et les XVIème siècles. Ce décret conciliaire réitère et consolide la plupart des canons conciliaires concernant les juifs et les musulmans qui furent émis durant les trois siècles précédents. La majorité de ses nouvelles dispositions, telle que les serments obligatoires, semblent dériver du Etsi doctoribus gentium rédigé en 1415 par l’Antipape Benoît XIII. Les positions quelque peu traditionalistes du concile auraient servi de modèle pour les décisions papales relatives aux non-chrétiens pendant le XVème siècle.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Editions

  • Acta conciliorum et epistolae decretales ac constitutiones Summorum Pontificum, vol. 9, J. Hardouin, ed. (Paris 1714-1715).
  • Conciliorum oecumenicorum decreta, G. Alberigo et al., eds. (Bologna, 1973).
  • Conciliorum oecumenicorum decreta, G. Alberigo, ed. (Basel and Freiburg, 1962).
  • Conciliorum oecumenicorum generalium, vol. 2, The Medieval General Councils, 869-1517, G. Alberigo, ed. (Turnhout, 2008).
  • Conciliorum omnium generalium et provincialium collectio regia, (Paris 1644)
  • Concilium Basiliense. I, Studien und Dokumente zur Geschichte der Jahre 1431-1437, J. Haller, ed. (Basel, 1896)
  • Decreta concilii Basileensis, (Milan, 1511)
  • Decreta concilii Basileensis, (Paris, 1512)
  • Decreta concilii Basileensis, S. Brabant, ed. (Basel, 1499).
  • Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, vol. 29, J.D. Mansi, ed. (Venice, 1788).
  • Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, vol. 13, P. Labbe & G. Cossart, eds. (Paris, 1671-1672)

Traductions

  • Conciliorum oecumenicorum decreta, G. Alberigo and H. Jedin, eds. (Bologna, 1991).
  • Conciliorum oecumenicorum decreta, vol. 2, Konzilien des Mittelalters: Vom ersten Laterankonzil (1123) bis zum fünften Laterankonzil (1512-1517), G. Sunnus & J. Wohlmuth, eds. (Paderborn, 2000).
  • Decrees of the Ecumenical Councils, N. Tanner, ed. (London and Washington, D.C., 1990).
  • Les conciles Œcuméniques: Les Décrits, vol. 2.1, G. Alberigo et al., ed. (Paris, 1994).

Mots-clés

charge ; commensalité ; fréquentation ; nourrices ; prosélytisme ; serviteurs

Auteur de la notice

Jessie   Sherwood

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°30351, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30351/.

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