Abū Yūsuf, Kitab al-kharāğ. La taxe de capitation (ğizya)
Le recouvrement de l'impôt de capitation
ولا يضرب أحد من أهل الذمة فِي استيدائهم الجزية، ولا يقاموا فِي الشمس ولا غيرها، ولا يجعل عليهم فِي أبدانهم شيء من المكاره ولكن يرفق بهم، ويحبسون حتى يؤدوا ما عليهم ولا يخرجون من الحبس حتى تستوفى منهم الجزية ولا يحل للوالي أن يدع أحدا من النصارى واليهود والمجوس والصابئين والسامرة إلا أخذ منهم الجزية. ولا يرخص لأحد منهم فِي ترك شيء من ذلك، ولا يحل أن يدع واحدا ويأخذ من واحد ولا يسع ذلك، لأن دمائهم وأموالهم إنما أحرزت بأداء الجزية ، والجزية بمنزلة مال الخراج
Abū Yūsuf, Kitāb al-kharāğ,
Aucun ressortissant de la dhimma ne sera battu afin d'exiger de lui le paiement de la ğizya; on ne le fera pas attendre sous la chaleur ardente du soleil, on ne lui infligera pas des châtiments corporels haïssables, ni autres sévices du même genre, il convient au contraire de les traiter avec clémence. Il faut les emprisonner jusqu’à ce qu’ils se soient acquittés de leur dû et ne pas les relâcher tant que la ğizya n’a pas été perçue dans son intégralité. Aucun gouverneur ne peut remettre en liberté un chrétien, un juif, un zoroastrien, un Sabéen ou un samaritain qui n’a pas payé la ğizya. Il n’est pas autorisé à en réduire le montant en faveur de quiconque, en permettant qu’une partie demeure impayée. Il lui est interdit d’exempter l’un, alors que l’autre devrait payer. En effet, c’est le paiement de la ğizya, impôt comparable à un tribut, qui garantit la sûreté de leurs vies et de leurs biens.
B. Lewis, Juifs en terre d'Islam (Paris, 1989). (trad. modifiée)
Le juriste Abū Yūsuf (m. 798) qui occupait les fonctions de grand qāḍī à l’époque du calife abbasside Hārūn al-Rashīd (786-809), est l’auteur d’un traité d’impôts intitulé K. al-Khārāğ dans lequel il aborde différentes questions concernant les taxes et les modalités de leur prélèvement. Dans ce passage, il s’oppose au recours à l’humiliation et aux châtiments corporels lors du recouvrement du tribut payable par les non-musulmans. Son appel à la clémence ne signifie nullement qu’il soit pour un quelconque assouplissement des mesures fiscales concernant les dhimmīs, puisque dans le même texte, il préconise une plus grande fermeté dans la collecte de la ğizya.
En Coran 9, 29, il est dit « Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés ». S’appuyant sur ce passage coranique, certains exégètes et juristes soutiennent que le dhimmī doit être publiquement humilié lors du recouvrement de la taxe de capitation. Le qāḍī Abū Yūsuf est d’un avis contraire. Pour lui, en effet, le recours à la brutalité et aux châtiments corporels n’est pas souhaitable, bien au contraire, les non-musulmans qui s’acquittent de la ğizya méritent d’être traités avec indulgence.
capitation ; Persécution ; ğizya
Laurence Foschia : relecture
Jessie Sherwood : traduction
Notice n°30318, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait30318/.