Expedire tibi non
Lettre du pape au sultan almohade afin qu’il permette aux chrétiens qui demeurent sur ses terres de vivre selon leur loi.
Nobili Uiro Albuiacole Miralmomelino timorem diuini nominis amorem. Expedire tibi non credimus et reuera non expedit ut uerbis acquiescas eorum qui tibi forte suadent ut existentes in terra tua christianos uti1 in lege sua libere non permittas. […2] Et quidem cum nos quibus christus licet immeritis gregem suum et ouile commisit exercere inter christianos patiamur inumeram legis tue hominum multitudinem ritus suos ut in hoc nostre ac tue gentis non sit dispar conditio sed equum hinc inde humanitatis solacium non te decet difficilem sed potius fauorabilem et facilem inueniri. Sane cum ad nos cura pertineat de commissis nobis a domino ubicumque confistant populis christianis ne uideamur mercenarii ad quem non pertinet de cuibus umbram tenere sed sollicitudinem prouidi potius exercere pastoris cum humilitate qua nil splendidius fulget in ceruice pontificis illius serui qui de se dixit. Discite a me quia mitis sum et humiliter corde magnitudinem tuam attentius obsecramus ; quatinus existentes in terra tua homines gentis nostre uti lege sua libere patiaris.
Clara Maillard - Vatican, Archivium Secretum Apostolicum, Reg. Vat. 10, f. 127v, ep. 559.
Au noble Albuiacole, Miramolin, crainte et amour du nom de Dieu. Nous ne croyons pas qu’il est dans ton intérêt, et réellement cela n’est pas, d’avoir confiance dans les paroles de ceux qui, peut-être, te conseilleraient de ne pas permettre aux chrétiens demeurant sur ta terre de [vivre] librement sous leur loi. […1] Et comme, bien que le Christ a assemblé son troupeau dans sa bergerie, nous permettons parmi les chrétiens qu’une multitude innombrable d’hommes de ta loi exercent leurs rites, de même, il ne doit pas t’être difficile de soulager l’humanité mais plutôt facile, dans la mesure où la condition de nos gens et des tiens n’est pas dissemblable mais est celle de cavalier. Vraiment comme il nous est permis par le Seigneur de nous assembler et que partout sont confisqués au peuple chrétien des mercenaires que nous ne voyons pas, ceux-là, on ne doit pas les tenir dans l’ombre mais plutôt agir avec la sollicitude d’un pasteur prévoyant, avec l’humilité qui, de rien, brille splendidement dans la tête du pasteur son serviteur. Apprends-moi, parce que je suis indulgent, parce qu’humblement, par le cœur, nous prions instamment ta magnitude dans la mesure où il existe sur ta terre des hommes de notre peuple que tu admets qu’ils vivent librement sous leur loi.
1 . Paragraphe sur la captivité à Babylone
Clara Maillard
Au XIIIème siècle, le culte chrétien se pratiquait, non sans difficultés, au Maghreb. Le Siège apostolique eut connaissance de cette activité chrétienne et intervint tout particulièrement dans l’organisation de la vie religieuse chrétienne au Maroc. En premier lieu Honorius III écrit au calife almohade al-Mustanṣir, qu’il nomme Albuiacole, pour que les chrétiens puissent vivre selon leur loi sur ces terres lointaines.
Le Saint-Siège montra au XIIIème siècle un intérêt précoce pour le Maroc qui se traduisit rapidement par l’installation de l’évêché de Marrakech. Deux lettres au sujet de la pratique religieuse et des libertés des chrétiens au Maroc précédèrent les démarches pontificales pour installer une hiérarchie ecclésiastique dans le royaume. L’une est datée de 1219, c’est celle qui nous occupe ici, où Honorius III demanda à « Albyacole Miralmomelino 1 de permettre aux chrétiens sur ses terres de vivre selon leur loi ; l’autre de 1223 où Honorius III s’adressa directement aux chrétiens du Maroc pour leur octroyer une grâce.
1 . Les papes nommèrent les califes almohades Miramolus ou Miramamolinus ou Miralmomelinus en déformant le titre d’Amîr al-mu’minîn, ou « prince des croyants ».
armée ; chrétiens ; mercenaires
Adam Bishop : traduction
Anna MATHESON : traduction
Notice n°268770, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait268770/.