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نصراني أتهم في قضية اختفاء مسلمة

Auteur

Al-Wansharīsī Aḥmad b. Yaḥyā

Titre en français

Un chrétien accusé d'avoir enlevé une femme musulmane

Titre descriptif

Avis des juristes de Courdoue dans une affaire de moeurs impliquant in chrétien

Type de texte

Fatwa

Texte

وسُئلوا (فقهاء قرطبة) أيضا عن نصراني شُهد عليه أنه من أهل الشر و الفساد وأنه رُئيَ مع امرأة مسلمة و هي سائرة معه. ثم ذهبت المرأة ولم توجد ولم تعرف حيث هي. وقال أخوها إن سعيد العجمي قد أخرجها و ثبتت الوثيقة عليه. و شُهد لسعيد بأنه من أهل العافية والاستقامة وحسن المعاملة والمعاشرة للمسلمين لا يعرفونه مختلطا لأهل الشر ولا ملتبسا بهم. و قد حبسه القاضي منذ خمسمائة [خمسة؟] عشر يوما. فأجاب ابن الحارث: أرى أن يكشف الشاهدان اللذان شهدا في الوثيقة في قول أحدهما إن النصراني خرج بالجارية و قول الآخر إنه خلق الجارية فيُسأل كل واحد منهما عن تفسير قوله هذا ان كان شاهد ذلك أو أخبره من يوثق به، أو إنما كان ذلك على ما استفاض به القول دون مباشرة الحقيقة [...] فإن مثل هذه الأمور العظيمة الغليظة لا يقبل فيها إبهام الشهادة. فعلى حسب ما يفسران توجه حكمك. و أجاب ابن زرب: إذا قبلت من شهد على النصراني وأعذرت إليه ولم يكن عنده مدفع وجب أن تنكله و تطيل حبسه. وإن كنت لم تقبل شهادتهم وجب أن تتثبت فيما نسب إليه ولا تعجل بإطلاقه لشبهة التي ظهرت عندك بالشهادات عليه. فإن لم يتبين قِبَلَهُ شيء أطلقته إن شاء الله.

Langue

Arabe

Source du texte original

Al-Wansharīsī, al-Miʿyār (Rabat, 1981), II, 346-347.

Datation

  • 10ème siècle
  • Précisions : Mentionnée dans le Miʿyār d'al-Wansharīsī (m. 914/1508), cette fatwa a été rendue au 10e siècle par deux juristes mālikites de Cordoue Ibn Zarb (m. 381/991) et al-Ibn al-Ḥārith.

Aire géographique

Traduction française

Les juristes de Cordoue ont été consultés au sujet du cas suivant : Un chrétien que des témoins ont décrit comme un homme malfaisant a été aperçu en compagnie d’une femme musulmane. Celle-ci a ensuite disparu et on ne savait plus où elle se trouvait. Le frère de la femme a déclaré que Saʿīd al-ʿAğamī (i.e. le chrétien) l’avait enlevée, ce que les témoignages ont confirmé. D’autres personnes ont témoigné en faveur du chrétien en déclarant qu’il était un homme bon et honnête, qu’il vivait en bonne intelligence avec les musulmans et qu’on ne lui connaissait pas de mauvaises fréquentations. Le cadi le retient en prison depuis quinze [ou cinq cents] jours. Ibn al-Ḥārith a dit : « Je recommande de vérifier l’exactitude des dépositions des témoins que l’on a entendu et dont l’un déclare que le chrétien a emmené la femme et l’autre dit qu’il l’a […]. On demandera à chacun d’eux de préciser sa déclaration et de dire s’il a été témoin oculaire des faits ou bien s’il en a été informé par quelqu’un en qui il a confiance, ou encore s’il a simplement répété des racontars sans savoir ce qui s’est réellement passé […] ; car, dans les accusations graves comme celle-ci, on ne doit pas accepter les dépositions équivoques. Tu orienteras ton jugement selon les explications qu’ils (les témoins) te fourniront. Ibn Zarb a répondu : «Si tu acceptes la déposition de la personne qui a témoigné contre le chrétien et si tu considères qu’il est crédible et qu’il n’a aucun intérêt à mentir, tu devras punir le chrétien et le condamner à un long emprisonnement. [En revanche,] si tu rejettes leurs dépositions, tu vérifieras les faits dont on l’accuse et ne t’empresse pas de le libérer [avant de pouvoir lever] les soupçons que tu as à son encontre du fait de ces témoignages. Mais s’il s’avère qu’il n’y a aucune preuve contre lui, tu le libéreras si Dieu le veut.

Source traduction française

A. Oulddali

Résumé et contexte

Dans cette fatwa conservée par al-Wansharīsī (m. 914/1508), il est question d’un chrétien que des musulmans de sa ville accusent d’avoir enlevé une femme musulmane alors que d’autres témoins le défendent en mettant en avant sa bonne conduite. Consultés dans cette affaire, deux juristes Mālikites de Cordoue, Ibn al-Ḥārith et Ibn Zarb (m. 381/991), préconisent de vérifier la véracité des témoignages recueillis avant de statuer. Il s’agit évidemment de s’assurer que les témoins sont de bonne foi et qu’il n’y a pas de volonté de la part de la partie plaignante d’accabler le suspect parce qu’il est chrétien ou pour une autre raison.

Signification historique

Dans une société multiconfessionnelle comme celle qui a existé à Cordoue et dans la plupart des autres villes musulmanes médiévales, la justice jouait un rôle essentiel dans le règlement des conflits entre les membres des différents groupes religieux. Le fonctionnement de cette institution est de mieux en mieux connu grâce aux informations fournies par les quelques documents datant de l’époque qui nous sont parvenus, et surtout par la littérature juridique dont l’apport est important. Les sources juridiques musulmanes ont en effet conservé un certain nombre de consultations (fatwas) portant sur des litiges entre musulmans et non-musulmans que les juristes Mālikite de Maghreb et de l’Andalus avaient traité. Ces fatwas, bien qu’elles soient souvent amputées de certains éléments circonstanciels, tels que les dates et les noms de personnes et de lieux, apportent de précieux renseignements en ce qui concerne la justice musulmane, ses procédés, et le traitement qu’elle réservait aux non-musulmans. Le présent texte en est un bon exemple. Le cas qui y est relaté nous paraît intéressant à bien des égards. D’abord, le chrétien suspecté d’avoir enlevé la femme disparue fait l’objet de témoignages contradictoires : certains de ces voisins musulmans l’accusent du crime, alors que d’autres essayent de l’en disculper. Le juge le maintient en détention mais ne sachant pas si les accusations portées contre lui sont dignes de foi ou non, il sollicite l’avis des juristes de Cordoue. Ceux-ci lui recommandent de convoquer à nouveau les témoins ayant été entendus dans l’affaire afin de vérifier leurs dépositions. Le fait que cadi (qaḍī) consulte les jurisconsultes avant de prendre sa décision n’est pas un procédé exceptionnel ; bien au contraire, c’est une pratique courante en Islam. Les magistrats y avaient recours pour préparer leurs décisions et beaucoup de tribunaux disposaient d’un conseil consultatif (shūrā), composé de juristes confirmés, qu’ils sollicitent en cas de besoin. Ici, les faits reprochés au chrétien relèvent de la fornication. Commis par un musulman, ce crime est passible d’une peine légale (ḥadd, pl. ḥudūd) consistant en la flagellation si le coupable n’a jamais été marié et en la lapidation s’il l’est ou l’a été (muḥṣan). Dans le cas d’un non-musulman qui fornique avec une musulmane, c’est la mise à mort qui s’applique car les juristes considèrent un tel acte comme entraînant la rupture du pacte de protection (dhimma). En effet, l’une des règles auxquelles les dhimmīs devaient se conformer sous peine de perdre leur statut de « protégé » est celle qui leur interdit d’épouser des femmes musulmanes ou d’avoir des relations sexuelles avec elles. Compte tenu de la lourde peine qu’encourait le chrétien s’il était reconnu coupable, les juristes consultés dans cette fatwa insistèrent sur la nécessité de vérifier tous les témoignages recueillis ; car le jugement en dépendait.

Etudes

  • A. Fattal,“How Dhimmīs were judged in the Islamic world” in R. Hoyland ed., Muslims and Others in Early Islamic Society (Burlington, 2004), 97.
  • A. Oulddali, “Recevabilité du témoignage du ḏimmī d’après les juristes mālikites d’Afrique du Nord”, in M. Fierro & J. Tolan eds., The legal status of ḏimmī-s in the Islamic West (second/eighth-ninth/fifteenth centuries)(Turnhout, 2013), 275-277.
  • U. Simonsohn, A Common Justice. The Legal Allegiances of Christians and Jews under Early Islam (Philadelphie, 2011), 174-180.
  • R. Speight, “The place of Christians in ninth-century North Africa, according to Muslim sources”, Islamochristiana 4 (1978), 60-61.
  • H. Zafrani, "Judaïsme d'occident musulman. Les relations judéo-musulmanes dans la littérature juridique. Le cas particulier du recours des tributaires juifs à la justice musulmane et aux autorités représentatives de l'État souverain", Studia Islamica, 64 (1986),125-149.

Mots-clés

accusation ; adultère ; chrétiens ; justice ; relations sexuelles ; témoignage ; témoin

Auteur de la notice

Ahmed   Oulddali

Collaborateurs de la notice

Adam   Bishop  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°268578, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait268578/.

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