(Charte) pour les communautés musulmanes libres
Confirmation d’Alphonse II de la charte de 1170 pour les musulmans libres de Lisbonne, Almada, Palmela et Alcácer do Sal
Et insuper do uobis pro foro ut nullus pauset in uestris domibus contra uestram uoluntatem.
A. Herculano et al., Portugaliae monumenta historica. Leges et consuetudines, vol. 1, fasc. 3 (Olisipone, 1863), 396-97.
En plus, je vous donne pour droit que personne ne se loge dans vos maisons contre votre volonté.
D. Baloup et al., trans., La péninsule Ibérique au Moyen Âge. Documents traduits et présentés (Rennes, 2003), 158.
Cette clause a été ajoutée à la charte originale de la communauté des musulmans libres de Lisbonne, Alcácer do Sal, Palmela, et Almada (1170) par Alphonse II quand il confirma la charte en 1217, ayant reconquis Alcácer après 26 ans passés sous les lois des almohades. La charte avait été précédemment confirmées (sans changement apparent du contenu) par la reine D. Dulce aux alentours de 1186 pendant le règne de son époux Sancho.
Comme Barros l’a expliqué, la clause introduite par Alphonse II exempte ces musulmans du serviço de aposentadoria, autrement dit du « service de l’hospitalité » : ils sont exemptés de l’obligation d’assurer l’hébergement de la cour royale itinérante, des nobles et des officiers royaux quand ces personnages visitent la région (Tempos e espaços 41; Soyer, Persecution 51).
Ce privilège n’est pas inclus dans la traduction en portugais médiéval de la charte apparaissant dans Ordenações Afonsinas, livre 2, titre 99, items 1-3, bien qu’il soit inclus dans la traduction plus complète et différente conservée à l’Arquivo Nacional da Torre do Tombo (ANTT), Chancelaria de D. João I, livre 5, f. 32. Il est également répété dans les deux copies existantes de la charte pour les musulmans libres d’Évora, écrite en 1273 (notice 254400). Il ne se trouve pas dans les deux copies existantes des chartes pour les musulmans libres de l’Algarve (écrite en 1269 ; notice 254398) et Moura (écrite en 1296 ; notice 254433).
Une clause quelque part similaire se trouve dans le traité de capitulation écrit pour les musulmans de Tudèle (récemment daté de 1119) : «Et non intret nullus christianus in casa de moro nec in orto per força » (« Aucun chrétien ne devra entrer dans la maison d’un maure ou dans son verger par force ») (notice 254441, item 15). La clause dans la charte de Lisbonne a peu à voir avec le respect des règlements islamiques concernant la pureté de la nourriture, etc. qui entre en contact avec les chrétiens, ni nécessairement pour protéger les musulmans des dommages sur leurs habitations. Plutôt, l’exemption apparaît comme une manière d’alléger la charge financière d’une visite. Des clauses similaires se trouvent dans certains forais pour les communautés chrétiennes dans des contextes qui ont peu de rapport avec les interactions entre les sujets musulmans et chrétiens :
« Nullus miles extraneus intret domum alicuius sine uoluntate domni domus » (Foral de Pombal, 1174)
« Homines de Penamocor non dent pausatam contra suam uolunatem » (Foral de Penamacor, 1209)
« Et nullus homo intret in uestam casam sine uestro grado » (Foral de Sabadelhe, 1220)
« do et concedo uobis populatoribus de Viana ut melius ipsa villa populetur quod meus Riqus homo nunquam pauset in uestra villa nec in uestro cauto » (Foral de Viana, 1258-62)1
Barros a collecté les exemples tardifs d’individus musulmans qui ont adressé une pétition à la couronne pour pouvoir être exemptés de l’obligation de fournir l’hospitalité aux visiteurs (Tempos e espaços 709-10). L’exemption individuelle accordée en 1486 à Moreima de Alcácer do Sal, qui refusa sa maison à son frère, Mafamede Láparo, imam des musulmans de Lisbonne (ANTT, Chancelaria de D. João II, livre 8, f. 72), indique que ce secours était demandé aussi bien par les visiteurs musulmans que chrétiens. Les demandes collectées par Barros montrent en outre que l’exemption du serviço de aposentadoria qui était accordée aux musulmans libres de Lisbonne n’était pas partagée par tous les musulmans libres du Portugal. En fait, certains musulmans agissaient comme des hôteliers de la Couronne et recevaient de nombreux privilèges en échange de ce service. Un dernier exemple est celui de Brafome Burel de Loulé, dont la maison servit d’auberge pour les nobles voyageant vers et de Ceuta (Barros, Comuna muçulmana 16; ANTT, Chancelaria de D. Afonso V, livre 36, ff. 142v-143r).
Ces exemples du XVème siècle de chrétiens recherchant des hébergements dans des maisons musulmanes peuvent attester du degré de mélange des confessions qui transcende l’idée de ségrégation associée à la judiaria et à la mouraria (des quartiers séparés pour juifs et musulmans qui furent imposés par D. Pedro I en 1361) (pour une discussion, voir Barros, Comuna muçulmana 16). Cependant, il y a aussi la possibilité que les demandes envoyées par ces nobles ont été faite pour les musulmans et les juifs qui faisaient partie de leur entourage.
1 . A. Herculano et al., eds., Portugaliae monumenta historica. Leges et consuetudines, vol. 1 (Olisipone, 1863), 398, 540, 548, et 692. Cette liste n’est pas exhaustive.
Claire Chauvin : traduction
Notice n°254346, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait254346/.