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في الحكم بين أهل الذمة

Auteur

Abī Zayd al-Qayrawānī

Titre en français

Possibilité pour les dhimmīs de saisir les tribunaux musulmans

Titre descriptif

À quelles conditions un juge musulman peut-il statuer sur les conflits entre dhimmīs?

Type de texte

Avis de juriste

Texte

من العتبية: وروى عيسى عن ابن القاسم: قال: لا يمنع حاكم المسلمين من شاء من النصارى من الوصايا في أموالهم، وإن أحاطت بأموالهم، ويُتركوا على شرائعهم، وإن تحاكموا إلينا، ورضي الخصمان وأساقفتهم، حُكم بينهم بحكم الإسلام، فلا يكون ذلك إلا برضىً من أساقفتهم، وإن كره ذلك الأساقفة، فلا يحكم بينهم، وإن رضي الأساقفة بحكمنا، وأبى ذلك الخصمان أو أحدهما، لم يحكم بينهم المسلمون...من قول مالك: أنه أذا وقعت خصومة بين مسلم وذمي، فليحكم القاضي بينهما بحكم الإسلام وإن كره الذمي. وإن كانت بين نصرانيين، فرضيا أن يحكم بينهما، فهو مخيرٌ، إن شاء حكم بينهما بحكم الإسلام، أو تركهما، وإن رضي أحدهما ولم يرض الآخر طالب أو مطلوب، فلا يحكم بينهما، إلا ما كان من حدود الرب، سبحانه، مثل أن يقطعوا الطريق، وما أشبه ذلك، فإنه يحكم بينهم بحكم الإسلام، شاءُوا أو أبوا. قال يحي بن عمر: فإن كانت بين يهودي ونصراني، فليحكم بينهما وإن كره ذلك أحدهما، لاختلاف ملّتهما

Langue

Arabe

Source du texte original

Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Nawādir wa-al-ziyādāt ‘alā al-Mudawwana min ghayrihā min al-ummahāt, ‘Abd al-Fattāḥ M. Ḥulw, ed. ( Beyrouth, 1999), vol. 8, 238.

Datation

  • Entre 950 et 996
  • 10ème siècle

Traduction française

[Il est écrit] dans al-ʿUtbiyya que ʿĪsā a rapporté ceci d’Ibn al-Qāsim : «Si des chrétiens désirent léguer leurs biens à [d’autres chrétiens], le magistrat musulman ne leur interdit pas de le faire, y compris quand le legs englobe la totalité de leurs propriétés. On les laisse appliquer leurs lois, et s’ils saisissent notre juridiction [d’une affaire les concernant] et que les deux parties en conflit et leurs évêques acceptent [cette saisine], on jugera entre eux selon la loi de l’islam. Cela n’est possible qu’avec le consentement de leurs évêques. Si ces derniers n’y consentent pas, on ne jugera pas entre eux (i.e. entre les chrétiens). De même si les évêques acceptent la saisine de notre juridiction mais que les deux parties en conflit ou l’une d’elles s’y opposent, les musulmans ne peuvent juger entre eux...». Selon une déclaration de Mālik, en cas de conflit entre un musulman et un dhimmī, le cadi doit juger entre eux conformément à la loi musulmane, même si le dhimmī n’y consent pas. Et si le conflit est entre deux chrétiens qui, tous les deux, acceptent de saisir le cadi, celui-ci a le choix : selon sa volonté il peut juger entre eux conformément à la loi de l’islam ou refuser l’affaire. Et si l’un d’entre eux accepte et l’autre refuse, qu’il soit demandeur ou défendeur, [le cadi] ne doit pas juger entre eux, à moins qu’il ne s’agisse d’un des crimes passibles de peines légales, comme lorsqu’ils se rendent coupables de brigandage ou d’autres délits de ce genre, dans ce cas, il juge entre eux selon la loi musulmane, qu’ils l’acceptent ou non. Yaḥyā b. ʿUmar a dit : « Si le conflit est entre un chrétien et un juif, il (le cadi) doit juger entre eux, y compris si l’un d’entre eux s’y oppose, et ce parce qu’ils sont de confessions différentes.»

Source traduction française

A. Oulddali

Résumé et contexte

L’islam reconnaît l’autonomie judiciaire des communautés non musulmanes vivant en territoire islamique ; c’est pourquoi les dhimmīs ou (ahl al-dhimma) vivant sous la loi musulmane sont soumis à leurs propres règles religieuses. Cependant, dans certaines situations, des juges musulmans pourraient présider des procès impliquant des non-musulmans. Selon les opinions d’Ibn al-Qāsim (d. 191/806) et de Mālik (d. 179/795), un juge musulman peut présider un procès entre chrétiens seulement si les deux parties et leur chef religieux s’accordent sur le recours à la juridiction islamique. Si l’une des parties le refuse, ou toutes les deux s’y opposent, ou leurs évêques, alors il n’est pas permis à un juge musulman de décider pour eux. Mālik ajoute plus loin qu’avec le consentement des deux parties et de leurs chefs religieux, le juge musulman a encore deux possibilités : ou bien il s’empare du cas et décide selon la loi islamique, ou bien il le rejette. Cependant, si l’affaire est susceptible de provoquer un trouble public, ou s’il s’agit de l’un des crimes passibles de peines légales ḥudūd, comme le vol, le meurtre, l’adultère, etc… alors sans se soucier de leur accord ou refus, l’affaire est jugée par un juge musulman selon la loi islamique. Enfin, si le conflit implique les membres de deux groupes religieux différents (chrétiens et juifs par exemple), alors un juge musulman décidera entre eux selon la loi islamique, encore une fois sans se soucier de leur consentement.

Signification historique

Depuis les débuts de l’islam, les communautés de dhimmīs vivant sous la loi musulmane bénéficiaient d’une autonomie judiciaire, fondée sur leur pacte de protection dhimma avec les musulmans. C’est pourquoi, les disputes intra-communautaires étaient jugées par leurs chefs religieux au sein de leurs propres cours de justice. Cependant, certaines affaires impliquant des dhimmīs relevaient de la compétence des tribunaux islamiques et étaient jugées selon la loi musulmane. Il y avait quatre types d’affaires impliquant les dhimmīs qui étaient traités par un juge musulman et auxquelles on appliquait la loi islamique. Le premier concernait les affaires impliquant un musulman et un dhimmī : sur la base du principe selon lequel les musulmans ne pouvaient être soumis à l’autorité des non-musulmans, seul un juge musulman pouvait régler ce type d’affaire. Relevaient de la compétence des juges musulmans toutes les affaires pénales impliquant musulmans et non-musulmans, mais les sanctions étaient différentes pour chacun d’eux. Le second type portait sur les affaires en relation avec l’ordre public, les crimes graves, passibles de peines légales (ḥudūd) ou les peines capitales : tout crime commis en territoire islamique par un dhimmī contre un autre dhimmī pouvait être jugé selon la loi islamique par un juge musulman. Le troisième concernait les affaires impliquant des non-musulmans de religions différentes : les disputes légales entre juifs et chrétiens (ou n’importe quels autres groupes de dhimmīs de confessions différentes) étaient jugées par un juge musulman selon la loi islamique. Le quatrième type concernait les affaires impliquant des non-musulmans qui demandaient à être jugés selon la loi islamique : les dhimmīs étaient autorisés à solliciter l’intervention d’un juge musulman dans les conflits internes de leur communauté, sur la base du verset coranique 5:42 « S'ils viennent à toi, sois juge entre eux ou détourne toi d'eux. Et si tu te détournes d'eux, jamais ils ne pourront te faire aucun mal. Et si tu juges, alors juge entre eux en équité » et 5:49 « Juge alors parmi eux d'après ce qu'Allah a fait descendre. Ne suis pas leurs passions ». Cependant, les juristes différaient sur les procédures à suivre dans ce type d’affaire ; Al-Shāfi‘ī (d. 204/820), Mālik (d. 179/795), et Ibn Ḥanbal (d. 242/855) s’accordent tous sur le fait que quand les dhimmīs renvoient leurs affaires devant un juge musulman, la juridiction de ce dernier est arbitrale et sur la base du volontariat. Abū Ḥanīfa (d. 148/767) expliqua que sa juridiction était obligatoire, à l’exception des mariages et des affaires traitant de vin et de porc. Selon les mālikītes, le juge avait la liberté de choisir : il pouvait aussi bien juger selon la loi islamique que refuser de juger. S’il choisissait la première option, sa compétence était nécessaire.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Etudes

  • A. Fattal, Le statut légal des non-musulmans en pays d’Islam (Beyrouth, 1986), 344-360.
  • A. Fattal, “How Dhimmīs were Judged in the Islamic World”, in Robert Holland, ed., Muslim and Others in Early Islamic Society (Burlington, 2004), 83-102.
  • D. Freidenreich, “Christians in Early and Classical Sunnī Law", in David Thomas, ed., Christian-Muslim Relations: A Bibliographical History. Brill Online, 2012.
  • M. Levy-Rubin, Non-Muslims in the Early Islamic Empire: From Surrender to Coexistence (Cambridge, 2011), 81, 174-175.
  • U. Simonsohn, A Common Justice. The Legal Allegiances of Christians and Jews under Early Islam (Philadelphie, 2011), 210-230.
  • R. Speight, “The place of Christians in ninth-century North Africa, according to Muslim sources”, Islamochristiana 4 (1978), 61-62.
  • A. Tritton, The Caliphs and their non-Muslim Subjects: A Critical Study of the Covenant of ‘Umar (London, 1930), 13, 189.
  • ‘Abd al-Raḥmān Awang, “The Status of the dhimmī in Islamic Law” (Ph.D. diss., The University of Edinburgh, 1988), 136-218.

Mots-clés

chrétiens ; clergé ; conflit de lois ; droit islamique ; Juifs/Judaïsme ; juridiction

Auteur de la notice

Emre   Çelebi

Collaborateurs de la notice

Ahmed   Oulddali  :  traduction

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°252603, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252603/.

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