L'achat de viande aux marchands juifs
La possibilité pour les juifs de vendre de la viande aux musulmans
وكره مالك الشراءَ من تجار اليهود، ونهى عمر أن يكونوا في أسواقنا، ولا بأس أن يكون لهم مجزرة على حِدة وينهوا عن البيع من المسلمين، وينهى عنه المسلمون. ومن اشترى منهم لم يفسخ شراؤهم وهو ورجل سواء إلّا أن يكون ما اشترى منهم مثل الطريف وشبهه مما لا يأكلونه فيفسخ شراؤه، قاله مطرف وابن الماجشون
Abī Zayd al-Qayrawānī, Al-Nawādir wa-al-ziyādāt ‘alā al-Mudawwana min ghayrihā min al-ummahāt, ‘Abd al-Fattāḥ M. Ḥulw, ed. ( Beyrouth, 1999), vol. 4, 367.
Mālik a réprouvé le fait d’acheter [de la viande] aux marchants juifs ; ʿUmar [b. al-Khaṭṭāb] leur a interdit d’être dans nos marchés (i.e. d’y vendre leurs viandes). Mais il n’y a pas de mal à ce qu’ils aient un endroit séparé [dans le marché] où ils tuent leurs animaux et les vendent (mağzara ʿala ḥida). On leur défendra de vendre [la viande] aux musulmans et on défendra aux musulmans de leur [en] acheter. Toutefois, si un musulman leur [en] achète, la vente ne sera pas annulée et lui (le Musulman) et le juif sont égaux [dans la transaction], sauf si ce qu’il leur a acheté était une viande qu’ils ne consomment pas, comme al-ṭarīf (ṭərēphāh en hébreu, i.e. les viandes dont la consommation est interdite dans le judaïsme) ; auquel cas la vente sera annulée. C’est l’opinion de Muṭarrif et d’Ibn al-Māğishūn.
Selon de nombreuses traditions du Prophète, les transactions commerciales entre les musulmans et les juifs sont permises par la loi islamique. C’est pourquoi la question de ce compte-rendu, sous le titre Kitāb al-dhabā’iḥ (le livre des animaux abattus) ne concerne pas les interactions commerciales entre les musulmans et les juifs, mais plutôt l’achat de viande aux juifs. Mālik (d. 179/795) ne considère pas qu’il est interdit d’acheter de la viande à des non-musulmans, mais il affirme sa désapprobation quant à ces transactions (voir également : « Sur les animaux abattus par les gens du Livre et la consommation de leur nourriture »). Bien que Mālik rapporte que ‘Umar b. Khaṭṭāb (d. 23/644) a interdit leur présence sur les marchés musulmans, il continue à approuver leur présence dans une partie séparée du marché, où ils peuvent abattre des animaux et vendre leur viande. Deux importants juristes de Médine,ʿAbd al-Malik b. ʿAbd al-ʿAzīz b. al-Māğishūn (d. 212/827) et Muṭarrif b. ʿAbd Allāh (d. 222/835) confirment qu’acheter de la viande aux juifs n’est pas interdit et quand cela se produit, les deux parties, juifs et musulmans, sont considérés comme égaux dans la transaction, sauf si un musulman achète quelque chose à un juif qui est interdit pour ce dernier. Dans ce cas, la vente est annulée ; la raison en est qu’il n’est pas permis aux musulmans de manger ce qui est interdit aux juifs par la loi judaïque, seulement quand c’est acheté aux juifs.
Selon les écoles sunnites de droit, la viande d’un animal abattu par les gens du Livre est autorisée aux musulmans, alors que si l’animal est abattu par un Zoroastrien ou un païen, la consommation de la viande est interdite. La permission de consommer de la viande préparée par les gens du Livre indique les affinités entre musulmans et juifs principalement (la consommation du porc par les chrétiens est plus problématique). Cependant, les juristes mālikītes d’Afrique du Nord et de l’Espagne musulmane, suivant les opinions de Mālik, ont désapprouvé la consommation de cette nourriture, sans l’interdire complètement, du fait des possibilités d’impureté que celle-ci pourrait présenter. La question de la présence des non-musulmans dans les cités musulmanes (i.e. dans les mêmes marchés, quartiers) a évolué à travers les époques. Dans des temps plus anciens, ils ont été chassés de Médine, et empêchés de demeurer dans des cités habitées par les musulmans. Cela explique l’interdiction de ʿUmar b. Khaṭṭāb (d. 23/644) à propos de leur présence dans les marchés musulmans. Il est également rapporté que ʿAlī b. Abī Ṭālib (d. 41/661) les a chassés de Koufa. Cependant, des zones de contact, aussi bien géographiques que sociales, entre musulmans et non-musulmans, ont augmenté avec le temps. Ces circonstances changeantes ont contraint les juristes à développer de nouvelles solutions sur la question de leur présence dans les villes musulmanes. Dans cette optique, aussi bien Mālik que certains de ses contemporains ont montré plus de tolérance sur la présence des non-musulmans au sein des villes musulmanes, dans les marchés et les quartiers.
alimentation ; commensalité ; commerce ; Juifs/Judaïsme ; viande
Ahmed Oulddali : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°252580, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait252580/.