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Intelleximus quod nonnulli

Auteur

Gregorius IX

Titre en français

Intelleximus quod nonnulli

Titre descriptif

On ne peut interdire aux esclaves musulmans de se faire baptiser, mais ils ne seront pas libérés en se convertissant au christianisme

Type de texte

Lettre

Texte

Eisdem [patriarche Jerosolimitano apostolice sedis legato et eius suffraganeis]. Intelleximus quod nonnulli in regno Jerosolimitano, habentes sclavos et alios Sarracenos in servos, ipsis, quia magis possessiones quam animas diligunt, facultatem audiendi verbum Dei vel suscipiendi sacramentum baptismatis penitus interdicunt. Et licet tibi, frater patriarcha, super hoc alia vice direxerimus scripta nostra, sumptis quibusdam occasionibus nichil exinde facere voluisti. Quodcirca mandamus quatenus singuli in propriis diocesibus, omni occasione cessante, huiusmodi infidelium dominos, ut ipsos saltem semel in mense ac in precipuis festivitatibus predicationem audire ac sacrum baptisma suscipere, in servitute pristina moraturos; et conversorum dominos, quod eosdem conversos confiteri peccata sua, et eisdem festivitatibus ac diebus dominicis officiis interesse permittant, aliquo privilegio vel indulgentia non obstante, monitione premissa per censuram ecclesiasticam, appellatione postposita, compellatis, mandatum nostrum taliter impleturi, quod çelatores animarum, sicut vos esse credimus, merito comprobemini, nosque vobis super hoc aliter scribere non cogamur. Datum ut supra [Laterani, VII idus Martii, anno undecimo].

Langue

Latin

Source du texte original

B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton University Press, 1984), app. 2c, 213.

Datation

  • Date fixe : 09/03/1238
  • Précisions : 9 mars 1238

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Cette lettre a été envoyée au Patriarche de Jérusalem et à ses évêques et archevêques suffragants, ce qui inclut ceux du royaume de Chypre.

Traduction française

Aux mêmes (patriarche de Jérusalem, légat du siège apostolique et à ses suffragants). Nous avons appris qu’au royaume de Jérusalem quelques-uns qui possèdent des sarrasins en esclavage et pour les servir, parce qu’ils préfèrent leurs possessions à leur âme, interdisent totalement à ceux-ci la faculté d’entendre la parole de Dieu ou de recevoir le sacrement du baptême. Et bien que, frère patriarche, nous ayons dirigé notre écrit sur ce propos en une autre occasion, tu n’as par la suite rien voulu faire, ayant pourtant des occasions d’agir. C’est pourquoi nous ordonnons que chacun dans son propre diocèse, à chaque opportunité, oblige les seigneurs de ces infidèles, afin qu’au moins une fois dans le mois et surtout aux jours de fête ces derniers puissent écouter le sermon et recevoir le baptême, et ils resteront dans leur servitude antérieure ; et que vous obligiez les maîtres de ces convertis pour qu’ils leur permettent de confesser leurs péchés et de participer aux jours de fête et aux offices dominicaux, sans qu’un privilège ou une indulgence s’y oppose, cette recommandation étant prioritaire par censure ecclésiastique, tout appel étant secondaire. Si vous remplissez de cette manière notre exhortation vous serez reconnus à bon droit comme soucieux des âmes, comme nous croyons que vous êtes, et nous ne serons pas obligés de vous écrire à nouveau à ce sujet. Fait comme précédemment, [Latran, septième jour avant les ides de Mars, onzième année de notre pontificat]

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Il s'agit de la deuxième lettre parmi plusieurs envoyées par la papes à Jérusalem et à Chypre au XIIIème siècle à propos des musulmans qui souhaitaient se convertir au christianisme. Les croisés chrétiens craignaient que leurs esclaves musulmans ne veuillent pas sincèrement se convertir, mais ils savaient que, selon les lois de Jérusalem, les esclaves seraient affranchis une fois convertis, et ces nouveaux convertis pourraient ensuite fuir jusqu'au territoire musulman et retourner à l'Islam. Pour cette raison, les croisés refusaient simplement de convertir leurs esclaves. Cette lettre était adressée au légat papal et patriarche de Jérusalem, Gérard de Lausanne, ainsi qu'à ses évêques et archevêques suffragants.

Signification historique

Les assises bourgeoises de Jérusalem mentionnent fréquemment les esclaves et les manières de les affranchir, mais elles font rarement état de façon explicite de l'origine ethnique ou de la religion des esclaves. Cependant, puisqu'une des manières pour un esclave d'être affranchi est de se convertir au christianisme, il est probable qu'il s'agissait généralement de musulmans.12De toute manière, la lettre de Grégoire IX fait explicitement mention d'esclaves et de serviteurs musulmans. La conversion n'était pas la seule manière pour un esclave d'être affranchi ; d'autres moyens sont indiqués au chapitre 204 des Assises. Il était certainement possible d'être affranchi et de rester musulman, même si un esclave converti au christianisme bénéficiait de plus de droits légaux à Jérusalem et à Chypre.3 Il n'y a eu presque aucune tentative pour convertir les musulmans du royaume au XIIème siècle. Dans la première moitié du XIIIème siècle, les ordres mendiants (Franciscains, Dominicains, Carmélites) se sont établis à l'Est, et les seigneurs croisés laïcs ont résisté à leurs essais de prêcher auprès des esclaves musulmans. Les ordres mendiants se sont plaints que les autorités laïques empêchaient le prêche du christianisme, tandis que les seigneurs laïcs se plaignaient qu'ils allaient perdre une source non-négligeable de travail si leurs esclaves étaient autorisés à se convertir et à être affranchis. En réponse, Grégoire IX ordonna que les esclaves soient autorisés à se convertir, mais que désormais ils ne seraient plus affranchis au titre de leur conversion.4 La première lettre de Grégoire IX, In transmarinis partibus, a été envoyée seulement huit mois auparavant, en juillet 1237. De toute évidence cette lettre a été ignorée, peut-être parce que Grégoire IX essayait de dépasser les assises établies, et le pape sentit qu'il était nécessaire d'envoyer une seconde exhortation presque tout de suite après. Cependant, cette lettre semble n'avoir eu aucun effet à Jérusalem et la situation est restée inchangée pour au moins trois autres décades ; la même exhortation est répétée par le légat du pape Eudes de Châteauroux en 1253 (voir les statuts de Jaffa) et par le pape Urbain IV en 1264.(voir Nonnulli sicut accepimus).5

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-211.

2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.

3 . M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 263-264.

4 . B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984), 146-147.

5 . Kedar, 148-151.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Archivio Segreto Vaticano, Reg; Vat. 18, fol. 365r, no. 440

Editions

  • L.Auvray, Régistres de Grégoire IX (Paris, 1907), no. 4147.
  • B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton University Press, 1984), app. 2c, 213.

Etudes

  • B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton University Press, 1984).
  • M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.
  • J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973).

Mots-clés

baptême ; conversion au christianisme ; esclaves ; musulmans

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°246677, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246677/.

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