Constitutions et autres droits de Catalogne
Effets de la conversion au christianisme des esclaves sarrasins des juifs
constitution et interprétation
Item statuhim que los serrahins dels jueus sis batejen romanguen liures e franchs donant remeço per si segons quels drets volen e es acostumat de fer.
Constitucions de Catalunya: Incunable de 1495 (Barcelone: Generalitat de Catalunya. Departament de Justícia, 1988), fol. 18v [104]
De même nous décrétons que si les Sarrasins des juifs se baptiseront, ils restent livres et francs en donnant rachat pour eux, tel que les lois disposent et qu'il est accoutumé de le faire.
J. X. Muntané Santiveri
Pendant la Cour Générale qui se réunit à Barcelone à la demande de Pierre II le Grand à la fin de l'année 1283, les prélats, les nobles et les représentants des villages et des villes de la Principauté tirèrent profit de la situation délicate dans laquelle le monarque se trouvait. Ainsi contre leur aide pour repousser la croisade lancée par le pape Martin IV contre le roi , ils obtinrent son approbation sur un sujet qui, à partir de ce moment-là, devint l'un des éléments clés de la législation catalane : le pacte. On peut lire dans l’accord –rédigé à la première personne– que si le roi « vel successores nostri constitucionem aliquam generalem seu statutum facere voluerimus in Catalonia, illam vel illud faciamus de approbacione et consensu prelatorum baronum militum et civium Catalonie » (const. 9). Ces mots constituent l’acte de naissance d’un modèle de législation qui résultait d'un consensus entre le comte-roi et les représentants de la société et qui, précisément à cause de cela, la loi ne pouvait uniquement émaner des assemblées dans lesquelles se réunissaient toutes ces entités : la « cort » (mot catalan) o « curia generalis ». Les constitutions approuvées de commun accord dans ces assemblées générales étaient valables dans tout le territoire catalan et même l’activité légale du comte-roi leur était subordonnée.
Dans la plupart des « corts » qui eurent lieu avant 1283 tous les représentants de la société n’y étaient pas et la possibilité de légiférer tous ensemble n’était pas considérée : c’était le monarque qui exerçait ce droit de manière exclusive et personnelle. Malgré cela, une grande partie de la législation antérieure fut adoptée dans des assemblées postérieures à 1283 et devint une partie à part entière du système juridique catalan.
Parmi les cinquante constitutions approuvées l’an 1283, seulement trois font référence à la minorité juive : la 15, la 25 et la 42. La première est une simple ratification de la loi approuvée en 1241 par Jacques I sur le crédit juif ; les deux autres légifèrent sur la propriété mais sous des angles différents : la constitution 25 se réfère aux esclaves sarrasins des juifs, tandis que la 42 s’occupe des seigneurs des juifs.
Dans la constitution 25, la Cour générale de 1283 disposa que la condition des esclaves sarrasins des juifs qui se convertissaient au christianisme fut celle d’hommes et de femmes entièrement libres. Nous sommes devant une législation aux vues prosélytes.
La deuxième partie de cette constitution rappelle que, de manière générique, la nouvelle condition de l’affranchi était conditionnée par le paiement d’un rachat « ut jura volunt et est fieri consuetum ». En 1252 Jacques I énonça un montant de 12 morabetins ou maravédis comme étant la somme que chaque affranchi devait payer au bayle royal de Majorque s'il prenait le baptême pendant une période de l'année qui ne coïncidait pas avec Pâques, la Pentecôte ou Noël.
En s’inspirant du droit civil et canonique, Pierre II spécifia des manières différentes pour affranchir/racheter l’esclave en fonction de si le juif avait acquis le Sarrasin comme une marchandise ou en tant que serviteur. Plus d’un siècle et demi après, un contemporain des Constitutions reprendra cette discussion 1, comme un sujet d’actualité. La documentation de l’époque se réfère à la possession de serviteurs et esclaves musulmans par les juifs comme d’un fait qui n’avait rien d’exceptionnel. 2
1 . T. Mieres, Apparatus super constitutionibus curianum generalium Cathaloniae, Barcinonae: typis & aere Sebastiani à Cormellas, 1621, 38.
2 . J. X. Muntané, Fonts per a l’estudi de l’aljama jueva de Tàrrega. Documents i regesta, Barcelone : PPU, 2006, doc. 387, 390, 393 (1452), 424 (1459), 426, 429.2, 431 (1459), 546 (1481), 590 (1485), 621, 622 (1490), 634 (1492).
affranchissement ; conversion au christianisme ; esclaves ; Juifs/Judaïsme ; musulmans ; rachat
Josep Xavier Muntane Santiveri
Youna Masset : relecture -corrections
Adam Bishop : relecture -corrections
Notice n°246340, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait246340/.