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Constituciones tercie curie Barchinone celebrate per Dominum Jacobum Regem secundum[1 § 2]

Auteur

III Cort general de Barcelona

Titre en français

Constitutions de la III Cour de Barcelone convoquée par le seigneur roi Jacques II

Titre descriptif

Conservation des biens pour les juifs et Sarrasins qui se convertissent au christianisme

Type de texte

constitution et interprétation

Texte

Pro amore Domini nostri Jhesu Christi et gloriose Virginis Matris sue et remedio anime nostre imperpetuum statuimus, quod quicunque iudeus, vel sarracenus, spiritus sancti gracia fidem voluerit recipere ortodoxam et babtismi lavarum salutaris, libere et absque ullius contradiccione possit ob facere, non obstante predecessorum nostrorum vel alicuius status prohibicione vel pactus vel etiam super hoc obtenta consuetudine. Ita quod propter hoc non de bonis suis mobilibus et immobilibus et semoventibus qui prius habebat amitat ; immo universa secure ac libere habeat et teneat et possideat auctoritate nostra. Et salva legittima filiorum et iure proximorum conversi ; ita quod de bonis conversi dicti filii seu proximi nichil ipso vivente, set post mortem eius illud solum et non amplius petere quam si decessissent in iudaysmo vel paganismo rationabiliter potuissent. Ut sint tales divina ex hoc gracia promerentur ; sic et nostram, qui Dei voluntatem ac baneplacitum immutare debemus, obtinere noscantur.

Langue

Latin

Source du texte original

Real Academia de la Historia, Cortes de los antiguos reinos de Aragón y de Valencia y principado de Cataluña, tomo I, parte 1 (Madrid: Est. Tip. de la Viuda e Hijos de Manuel Tello, 1896), 217-218

Datation

  • Date fixe :
  • Précisions : Statut issu du Parlement ecclésiastique célébré à Lleida le 1243 (1242 selon la datation de l’Incarnation) et confirmé pendant la Cour Générale convoquée par Jacques II le Juste à Barcelone, au couvent des frères mineurs de cette ville, le 1311.

Aire géographique

Traduction française

Par amour pour notre seigneur Jésus Christ et pour la glorieuse Vierge, sa mère, et en remède à notre âme, nous établissons à tout jamais que n'importe quel juif ou Sarrasin qui par la grâce du Saint Esprit veuille recevoir la foi orthodoxe et le lavage du baptême salutaire, que librement et sans aucune opposition de quelqu’un il le puisse faire malgré que statut, prohibition ou pacte de nos ancêtres ou d’autre ou coutume sur cela obtenue puisse s’opposer. Et que pour cela il ne perde rien de ses biens meubles et immeubles et cheptel vif qu’il avait auparavant, mais que tous ces biens-là il ait, tienne et possède surement et librement pour la notre autorité. A l’exception de la réserve légale des fils et du droit des proche parents du converti, en manière que des biens du converti les dits fils et proche parents ne lui puissent rien demander quand il vivra mais, après sa mort, que cela seulement et rien plus ils demandent tel comme ils pourraient demander raisonnablement s’ils furent morts en judaïsme ou paganisme. Car tel que ceux méritent la grâce divine, qu’ils sachent aussi de mériter la notre que nous devons faire semblable à la volonté et approbation de Dieu.

Source traduction française

J. X. Muntané Santiveri

Résumé et contexte

Pendant le concile ecclésiastique de Lérida de mars de 1243 (1242 selon l’Incarnation) Jacques I, qui alors se trouvait dans l’étape finale de la conquête du royaume de Valence, promulgua un statut général qui représenta le début de l’offensive missionnaire contre les juifs et musulmans de ses terres. En effet, il y poursuivit le favorem et aucmentacionem Christiane fidei à travers la conversion de ces infidèles, ce qui fut confirmé par le pape Innocence IV avec une bulle adressée à l’archevêque de Tarragone et qui fut insérée aussi dans l’édition des Constitucions de Catalunya de 1495 (fol. 1v-2r). Il a été suggéré que la main de l’ex général dominicain catalan frère Raymond de Penyafort soit derrière la rédaction de ce statut 1 qui, de manière réaliste et pragmatique, structure le programme de conversion au christianisme en seulement trois points.

1 . J. Cohen, The Friars and the Jews, 106.

Signification historique

Le premier élément du programme approuvé en 1243 pour convertir les juifs et les Sarrasins à la foi chrétienne -que nous reproduisons ici tel qu'il se trouve dans la constitution de confirmation de la Cour de Barcelone de 1311- assure la conservation des biens que le néophyte possédait avant sa conversion pour éviter que cet acte implique une perte économique. On voit que cette indemnité s’étend à l’ensemble des ses biens (meubles et immeubles) sans discrimination. Nous discuterons dans un autre contexte de l'appréhension des biens qui provenaient de gains usuraires et qui selon la mentalité chrétienne étaient illicites, restaient-ils ou non aux mains du convers ? Dans le texte, on fait exception à la réserve légale, c'est-à-dire à la partie des biens pour laquelle le propriétaire ne pouvait pas disposer librement car le droit l’octroyait à des personnes spécifiques, notamment aux fils. Ainsi dans le cas attesté ici, cette règle continuerait à être vigueur même si les héritiers légitimes ne se sont pas convertis au christianisme (vid. le parallèle pour Castille dans les Siete Partidas, VII.24.6 et avec un sens contraire: VII.24.7 e VII.25.3). Cette norme est reprise par Innocent IV dans la bulle de confirmation adressée à l’archevêque de Tarragone (1245) : la seule des trois qui constituent le statut de Jacques I qui apparaît explicitement dans l'introduction de la lettre papale même si elle a encore une formulation plus simple et que l'on n’entre pas dans des détails de casuistique légale. 1 De toute façon, l'élément central et exceptionnel de cette loi est la renonciation du monarque aux droits qu’il possédait sur les biens des juifs « non obstante predecessorum nostrorum vel alicuius status prohibicione vel pactus vel etiam super hoc obtenta consuetudine ». 2 Le fait que les biens des juifs appartenaient au monarque cela fut illustré par T. Mieres, Apparatus, 187 à partir des exactions royales, qui montraient que le monarque ordonnait « pro libito voluntatis » sur eux, sans qu’aucun puisse lui dire : « Cur ita facis ? ». Le document soutient que l'acceptation de cette perte économique est due à des causes de nature religieuse (l'amour de Dieu et le salut de l'âme du comte-roi), bien qu'il n'est pas difficile d'imaginer la pression exercée par les prélats réunis à Lérida. Finalement, on peut voir dans cette mesure de nature économique liée à la conversion de juifs et des Sarrasins comme un certain reflet de ces occasions dans lesquelles la conversion au christianisme était encouragée par des aides pécuniaires. 3

1 . Vid. Constitucions de Catalunya, fol. 1v-2r [68-69]. Dans une loi de Jacques II de 1296 qui reprend ce statut, la réserve légale n’y apparaît pas mais il est très probable qu’elle y restait comprise (vid. Rubió i Lluch, Documents per l'història de la cultura catalana mig-eval, vol. II, doc. 12). Il ne fut pas ainsi, cependant, quand Benoît XIII et Ferdinand I concédèrent aux convertis le privilège de priver leurs successeurs de la réserve légale. Thomas Mieres, contemporain des faits, argumenta son désaccord dans son Apparatus (1439), 187, du fait de l’honorabilité du chrétien (il ne trouve pas bien qu'un converti puisse décevoir quiconque) et de l'immuabilité de la loi naturelle (les lois de succession, qui proviennent du droit naturel, ne changent pas avec le baptême). Du côté juif, malgré des positions théoriques qui privent l’apostat de ses droits de succession (vid. S. Grayzel, The Church and the Jews, 18-19 note 36 ; A. Y. Finkel, The Responsa Anthology, 4 resp. 4 : 3 de rav Netronai Gaon) on trouve des cas spécifiques où parmi les bénéficiaires du testament il y a aussi des convertis au christianisme (vid. J. X. Muntané, "El testament i l’inventari d’Astruc Iossef, jueu prestamista de Manresa (1391), seguits d’un inventari i un testament menors", Iberia Judaica, en cours d'édition).

2 . Vid. S. Grayzel, The Church and the Jews, 19 note 36 ; B. Blumenkranz, Juifs et Chrétiens dans le Monde Occidental (430-1096), 387. C’est pour son caractère si exceptionnel que cette mesure fut l’unique qu’Innocent IV mentionna explicitement dans sa bulle, vid. S. Grayzel, The Church and the Jews, 254-255.

3 . En effet, parmi les avantages matériels dérivants du baptême, l’aide pécuniaire était un bon stimulant pour favoriser le processus de conversion, et non seulement pour les juifs pauvres, vid. Blumenkranz, Juifs et Chrétiens dans le Monde Occidental, 32, 95-97 ; J. X. Muntané, « Notícies de jueus de l’aljama de Tarragona extretes de l’Arxiu Històric de Tarragona », Tamid : Revista Catalana Anual d’Estudis Hebraics, 7 (2011), num. 72 et 81.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Etudes

  • B. Blumenkranz, Juifs et Chrétiens dans le Monde Occidental (430-1096) (Paris; La Haye: Mouton & Co, 1960)
  • J. Cohen, The Friars and the Jews : The Evolution of Medieval anti-Judaism (Ithaca; London : Cornell University Press, 1982)
  • A.Y. Finkel, The Responsa anthology (Northvale : Jason Aronson, 1990)
  • S. Grayzel, The Church and the Jews in the XIIIth Century : A Study of their Relations during the Years 1198-1254, based on the papal letters and the conciliar decrees of the period (New York : Hermon Press, 1966)
  • T. Mieres, Apparatus super constitutionibus sive capitulis curiarum generalium Cathaloniae (Barcelone : typis & aere Sebastiani à Cormellas, 1621)
  • J.Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV) », Calls 2 (1987), 113-143

Mots-clés

conversion au christianisme ; Juifs/Judaïsme ; propriété ; testament

Auteur de la notice

Josep Xavier   Muntane Santiveri

Collaborateurs de la notice

Youna   Masset  :  relecture -corrections

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°244520, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait244520/.

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