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Constitucions i altres drets de Catalunya[I. 1. 1. 1 § 1 ]

Auteur

Jaume Callís et al.

Titre en français

Constitutions et autres droits de Catalogne

Titre descriptif

Conservation des biens pour les juifs et Sarrasins qui se convertissent au christianisme

Type de texte

constitution et interprétation

Texte

Per amor de nostre senyor Jesuchrist e de la verge Maria gloriosa mare sua e en remey de la nostra anima en per tottemps statuhim que cascu iuheu o serrahi qui spirat per gracia del spirit sanct volra reebra la fe catholica el saludable lavament del babtisma que francament e sens tota contradictio de algun ho pusca fer no contrestant statut prohibicio o pacte de nostres predecessors o daltre o encara costuma sobre aço obtenguda. Axi que per aço no perda res de sos bens mobles e immobles e si movents que primerament havia ans tots aquells bens segurament e franca hage tengua e possehesca per auctoritat nostra salva la legittima dels fills e dels prohismes del convers axi empero que dels dits bens de aytal convers los fills ne los prohismes no li puxen res demanar ell vivent mas apres la mort de aquell allo solament e no resmes puxen demanar que si moris en iudaisma o en paganisma rahonablement demanar pogueren car axi com aquests aytals per axo merexen la divinal gracia axi mateix se coneguen obtenir la nostra qui devem la voluntat e beniplacit de deu resemblar.

Langue

catalan

Source du texte original

Constitucions de Catalunya: Incunable de 1495 (Barcelona: Generalitat de Catalunya. Departament de Justícia, 1988), fol. 1r [67]

Datation

  • Entre 1413 et 1422
  • Précisions : Traduction catalane d’un statut établi par Jacques I à Lérida (1243) et insérée dans une constitution approuvée par Jacques II pendant la Cour générale de Barcelone (1311).

Aire géographique

Traduction française

Par amour pour notre seigneur Jésus Christ et pour la glorieuse vierge Marie, sa mère, et en remède à notre âme, nous établissons à tout jamais que chaque juif ou Sarrasin qui, inspiré par la grâce du Saint Esprit, voudra recevoir la foi catholique, le salutaire lavage du baptême, qu'il puisse le faire librement et sans aucune opposition de quelqu’un sans qu'un statut, une prohibition, ou un pacte de nos ancêtres ou d’un autre, ou une coutume obtenue sur ce sujet puisse s’y opposer. Et que pour cela il ne perde rien de ses biens meubles et immeubles et cheptel vif qu’il avait premièrement, mais que tous ces biens-là il les ait, les tienne et les possède sûrement et librement par notre autorité, à l’exception de la réserve légale des fils et des proches parents du converti, de manière que des dits biens du converti ils ne lui puissent rien demander quand il vit mais, après sa mort, qu'ils reçoivent seulement, et rien de plus, que ce qu'ils demandent tel qu'ils pourraient le faire raisonnablement s’il était mort en juif ou païen, car tel que ceux qui méritent la grâce divine, qu’ils sachent aussi mériter la notre que nous devons faire semblable à la volonté et approbation de Dieu.

Source traduction française

J. X. Muntané Santiveri

Résumé et contexte

La compilation entière des Constitucions de Catalunya du XVe siècle s’ouvre précisément avec ce statut de Jacques I de 1243. Cette loi est, donc, la première du titre initial (De la sancta fe catholica e privilegis del sanct babtisma) du premier livre. La rubrique qui figure en tête du texte nous informe de l’autorité qui l’approuve et nous permet de saisir son contexte spécifique : « Jacme primer en la cort de leyda ». Malgré l’appellatif «cort » utilisé par l’écrivain, on se doit plutôt de parler de concile ou de parlement ecclésiastique. Celui-ci se tint dans la ville de Lérida, à l’intérieur de la Catalogne. A sa fin, on promulgua le statut mentionné ici mais qui, non seulement ne fut jamais révoqué mais, bien au contraire, pendant la Cour générale de Barcelone de 1311, fut ratifié et dès lors acquerra une valeur de constitution. Ce texte, qui est la traduction catalane médiévale du document latin, suit fidèlement la rédaction originale et il n'y a seulement que quelques variations mineures qui ne modifient pas le sens juridique. À l’index de la compilation des Constitucions de Catalunya les trois lois qui forment ce statut se trouvent sous la même épigraphe : « Que tot iueu e moro liberament se puixe fer crestia e retenir tots sos bens salva legitima als fills e prohismes apres mort sua. E que algu nols gos dir renegat transallit o semblants paraules. E que los iueus e serrahins hagen hoir les prehicacions de la sancta fe catholica ». De la même façon nous les trouvons dans le corps du texte. La différentiation que nous proposons ici est de nature thématique et elle renvoie à l’édition latine de la Real Academia de la Historia.

Signification historique

Tel qu'il a été indiqué au commentaire de la version latine de cette loi, 1 celle-ci voulait favoriser les conversions des infidèles au christianisme en assurant aux juifs et aux Sarrasins qui prendraient le baptême la préservation de leurs biens, même si la législation ou la pratique témoignaient du contraire. Nombreux sont, en effet, les documents des siècles précédents où on se lamente de la situation d’indigence qui attendait les néophytes qui, après avoir perdu ou avoir renoncé à leurs biens pendant le processus de conversion, 2 se trouvaient aussi privés des moyens habituels grâce auxquels ils gagnaient leur vie car leurs liens avec les membres de leur ancienne communauté étaient coupés et interdits. De même que l'accueil que leur nouvelle communauté leur ferait était incertain. 3 Au minimum le statut de 1243, confirmé nouvellement en 1311, voulait adoucir la situation de précarité inhérente à la conversion en préservant les biens des convertis. Cela se révélait contraire aux anciennes dispositions qui châtiaient l’abandon du christianisme (et ainsi le voulaient éradiquer) avec la confiscation des biens de l’apostât. 4

Grâce à cette loi les convertis purent réclamer la restitution des biens qui avaient été saisis 5 ou volés. 6 Quelques-unes des mesures prises par les comtes-rois catalans pour favoriser les conversions au christianisme peuvent être considérés comme des variations de ce statut parce qu’elles se basent sur l’indemnité des biens du converti, tel que les exécutions péremptoires de dettes [7 et les sauf-conduits ou moratoire de dettes. 8] Dans le premier cas l’autorité permettait au converti de récupérer sans aucun délai le capital qu’il avait prêté quand il était juif, dans l’autre le néophyte recevait un moratoire de dettes.

De toute façon, les cas des quelques néophytes du XIVe siècle en Catalogne qui, ayant abandonné (quelques-uns volontairement, quelques autres forcés) tous leurs biens au moment de leur conversion commencèrent à prêcher la foi chrétienne aux juifs avec l'aide d'aumônes concédées soit par le roi soit par les municipalités, montrent que le statut de 1243 et les constitutions postérieures n’étaient pas toujours observés. 9

1 . Constituciones tercie curie Barchinone celebrate per Dominum Jacobum Regem secundum, 1 § 1.

2 . Dans le cas où le converti se trouvait privé de ses biens (par volonté du prince ou de la coutume juive), ou quand le néophyte renonçait volontairement à sa propriété, comme le fit par exemple maître Pierre de la Mercè qui, le jour de sa conversion, abandonna “uxorem, filios ac universa alia bona temporalia pro Christi amore penitus”, A. Rubió i Lluch, Documents, vol. II, doc. 63, de 1339 ; vid. aussi G. Dahan, Les intellectuels chrétiens et les juifs, 200-205.

3 . Très nombreux sont les documents qui essayent de régler les relations entre les convertis et leurs anciens coreligionnaires. Les moyens utilisés à cette fin sont très variés, ainsi que le résultat final, qui pouvait aller de la séparation la plus absolue à la cohabitation de convertis et de juifs dans une même unité familiale. Les conversions massives qui eurent lieu à partir des épisodes de violence physique et légale que cette minorité subit pendant le bas Moyen Âge modifièrent, en termes généraux, l’attitude autant de la communauté d'accueil (qui passa de l’accueil à la méfiance) que de la communauté de partance (qui adoucit le refus initial).

4 . Et même aussi pour celui ou pour ceux qui l’avaient encouragé, J. Régné, History of the Jews in Aragon, num. 3389, 3419.

5 . J. R. Magdalena, « Notas sobre los conversos castellonenses en 1391 », Boletín de la Sociedad Castellonense de Cultura 53 (1977), 166, doc. 1 ; G. Escribà, Documents dels jueus de Girona, 1124-1595, doc. 1124 i 1125, de l’année 1453.

6 . A. Balaguer, « Notícia dels jueus conversos, quals bens foren robats en lo saqueig y destrucció del Calljuich de Barcelona en 1391 », La Veu del Montserrat 4 (1881), 231-232 et 239-240.

7 . G. Escribà, The Tortosa Disputation, doc. 353 (1414, converti de Tortosa) ; doc. 445 (1414, convertis de Falset) ; doc. 579 (1415, converti de Tortosa) qui dans certains cas seraient effectives seulement après la conversion : doc. 557 (1415, aux futurs convertis d’Osca).

8 . M. C. Mañé ; G. Escribà, The Jews in the Crown of Aragon, doc. 1217 (1392, converti de Barcelone) ; doc. 1233 (1394, converti de Barcelone) ; G. Escribà, The Tortosa Disputation, doc. 323 (1414, converti de Lleida) ; doc. 570 (1415, convertis et juifs prêts à se convertir de Tortosa).

9 . J.Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV) », Calls 2 (1987), 123-124 (Nicolas de Gràcia), 125 (Jacques Romeu) et 125-126 (Jean Fernández de Tolède). Comme on peut le déduire aussi des diverses confirmations qui furent faites de cette loi.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • G. M. De Brocà, Taula de les Stampaçions de les Constitucions y altres drets de Cathalunya y de les costumes y ordinaçions de sos diverses paratges (Barcelona : Fills de Jaume Jepús, 1907), 13 ; J. M. Font i Rius, « Estudi introductori », Constitucions de Catalunya: Incunable de 1495 (Barcelona : Generalitat de Catalunya. Departament de Justícia, 1988), LXVII-LXX

Etudes

  • G. Dahan, Les intellectuels chrétiens et les juifs au Moyen Age (Paris: Cerf, 1999)
  • J. Riera, « Les llicències reials per predicar als jueus i als sarraïns (Segles XIII-XIV) », Calls 2 (1987), 113-143

Mots-clés

conversion au christianisme ; Juifs/Judaïsme ; propriété ; testament

Auteur de la notice

Josep Xavier   Muntane Santiveri

Collaborateurs de la notice

Youna   Masset  :  relecture -corrections

Adam   Bishop  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°244502, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait244502/.

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