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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 238]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Des non-catholiques qui habitent au marché

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres ou fu estably et coumande, par coumun asent et des rois et des chevaliers et des borges et des coumunes, ou devent estre et maner en la cite les Grifons et les Suriens et les Jacobins et les Nestorins et les Mosserans et les Ermines et toutes autres lengles Surienes. Bien saches que li rois et toutes autres gens si establirent tout coumunaument, que nus Suriens ne tuit cil ou celes qui raison devent fornir la raison de la fonde, si come sont Ssuriens et Grifons et Nestourins et Jacobins et Samaritans et Judes et Mosserins, toutes yces gens devent maner de la fonde en amont: et de la fonde dAcre en aval ne deit nus estre, par dreit ne par lassise, por ce que le seignor ne prendra ia bien autrement sa raison de ce qui est estably de prendre sur iaus, si com vos si orres… …Dou cel que les vileins Sarasins achetent et traient hors si coumande la raison quil devent douner de dreiture, dou mui, IV drahans…

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 282.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu'une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez comment il est établi, d'un commun accord des rois, chevaliers, bourgeois, et communes, que les Grecs, Syriens, Jacobites, Nestoriens, Musulmans, Arméniens, et tous les autres Syriens doivent rester et habiter à la ville. Sachez bien que le roi et toutes les autre personnes ont établi d'un commun accord que les Syriens, et tous d'autres hommes ou femmes qui sont sous la juridiction de la cour du marché, c'est-à-dire les Syriens, Grecs, Nestoriens, Jacobites, Samaritains, Juifs, et Musulmans, toutes ces personnes doivent habiter au marché supérieur, et personne ne doit habiter au marché inférieur de Saint-Jean d'Âcre, selon le droit et les assises, parce qu'autrement le seigneur ne recevra pas les droits de douane qu'il est établi de recevoir d'eux, comme vous entendrez… …Du sel que les vilains sarrasins achètent et retirent, la loi ordonne qu'ils doivent payer des droits de douane de quatre dirhams sur chaque modius.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Ce chapitre constitue la deuxième partie de l'assise dite de la "cour de la fonde", la cour du marché. C'est une autre interminable liste de taxes coutumières sur certains produits trouvés au marché, comme du vin, des vêtements, des oignons, du raisin, de l'ail, des figues, du beurre, du fromage, parmi d'autres produits (pas loin de quarante dans ce chapitre). Dans les manuscrits français, la liste est une continuation du chapitre 237. Dans la traduction grecque, ce chapitre se trouve à la fin des manuscrits, avec les chapitres 236 et 237, ce dernier ayant été séparé en deux chapitres différents.

Signification historique

Ce chapitre, tout comme le chapitre 238, fait partie d'une assise, ou d'un ensemble d'assises, traitant de la "fonde", le marché, et de la "cour de la fonde". Cette cour est soumise à la juridiction de la cour des bourgeois, mais elle est conçue pour servir de médiateur entre les marchands non-catholiques qui font du commerce au marché. L’assise fait probablement seulement référence au marché de Saint-Jean-d’Âcre, la plus grande et la plus importante des villes du royaume de Jérusalem, et capitale de ce royaume pendant le XIIIème siècle. Il y avait de plus petits marchés dans les autres villes, qui fonctionnaient probablement de la même manière que le marché de Saint-Jean-d’Âcre. L'assise contient une liste d'articles qui sont achetés et vendus au marché, et les droits de douane imposés sur chacun. Elle montre que les produits sont importés et exportés, par voie maritime ou terrestre, des territoires chrétiens aussi bien que musulmans. Les biens qui passaient de Damas en Égypte (i.e. d'un territoire musulman à un autre) étaient également taxés s'ils transitaient par un territoire chrétien. Aucun des chapitres ne semble inclure de produits qui auraient été importés d'Europe ; on suppose que ce genre de marchandises aurait été taxée par les Vénitiens, les Génois, les Pisans, et d'autres cités italiennes, qui disposaient d'enclaves marchandes autonomes dans Saint-Jean-d'Âcre et dans d'autres villes de Jérusalem et de Chypre. 1 Les chapitres 237 et 238 constituaient à l'origine une seule liste, séparée par une assise sur les marchands non-francs, qui a été insérée par l'auteur de la compilation des assises. Pourtant cette liste est elle-même constituée à l'origine de plusieurs listes différentes. Le classement désorganisé des différentes sortes de marchandises, et les différentes structures phrastiques utilisées pour décrire chacune d'elles, suggèrent que de nouveaux produits et taxes ont été ajoutés au cours des XIIème et XIIIème siècles. les produits indiqués dans le chapitre 237 constituaient probablement la partie la plus ancienne, remontant au XIIème siècle ; ceux du chapitre 238 datent du XIIIème. 2 L'assise concernant les marchands non-francs qui débute le chapitre liste notamment les différents habitants non-catholiques qui peuplaient le marché, incluant les juifs, les samaritains, et les "mosserans" (signifiant sans doute les musulmans). Elle mentionne la "fonde en amont" et la "fonde en aval", qui, selon Prawer, constituaient des espaces séparés de la ville de Saint-Jean-d'Âcre, où vivaient d'une part les marchands catholiques et d'autre part les non-catholiques. Ainsi, le chapitre pourrait constituer un exemple de discrimination légale contre les non-catholiques. Cependant, Richard, Cahen et Jacoby pensent que "en amont" et "en aval" désignent simplement d'une part les marchands vivant intra-muros (i.e. dans un territoire sous l'autorité directe du roi), et d'autre part ceux qui habitaient en dehors de la ville (i.e. dans un territoire contrôlé par un autre seigneur, ou dans un territoire musulman). Dans les deux cas, les marchands pouvaient être catholiques ou non, même si ceux vivant en dehors de la ville avaient plus de chance d'être des chrétiens d'Orient ou des musulmans. Ceux qui apportaient les marchandises dans la ville ou à l'extérieur étaient soumis aux différentes taxes en cours à Saint-Jean-d'Âcre.3. Il est également possible que la référence aux musulmans, comme dans le cas du sel acheté par les "villeins sarrasins", soit une référence à quiconque vivant en territoire musulman, même si les marchands étaient eux-mêmes chrétiens.4 Les taxes sont le plus souvent indiquées en bezants, une devise orientale (d'origine byzantine, d'où le nom), et en subdivisions de bezants, comme caroubles et drachmes. Concernant certaines marchandises, des devises d'Europe de l'Ouest étaient utilisées, comme le mark, en combinaison avec des subdivision de devises orientales.5 La traduction grecque n'indique pas toujours les mêmes produits ou taxes. De même que la liste française est sans doute une compilation de différentes taxes et produits qui ont évolué selon l'époque, le liste grecque reflète probablement de la même manière les changements de produits, de prix et de taxes survenus à Chypre du XIIIème au XIVème siècle.

1 . D.Jacoby, "The fonde of Crusader Acre and its tariff: some new considerations", in Dei gesta per Francos: Crusade Studies in Honour of Jean Richard, ed. M.Balard, B.Kedar, J.Riley-Smith (Ashgate, 2001), 287. Au sujet du commerce dans le royaume de Jérusalem, voir les travaux de Jacoby en général, comme "The trade of crusader Acre in the Levantine context: an overview", Archivio Storico del Sannio 3 (1998), 103-20.

2 . Jacoby, 284-86. Pour un résumé des opinions de Cahen, Richard et Prawer sur l'origine des deux chapitres, voir 277.

3 . Jacoby, 287-289. Alors que "Mosserans" peut être un mot d'ancien français désignant les musulmans ou une référence à l'Égypte (misr en arabe), Joshua Prawer a suggéré qu'il s'agissait d'une référence à un peuple de "Mosul", ou bien aux maronites (J.Prawer, The History of the Jews in the Latin Kingdom of Jerusalem (Oxford, 1988), 261).

4 . Jacoby, 292.

5 . Sur la numismatique, voir A.Malloy, I.Preston, A.Seltman, Coins of the Crusader States, 1098-1291 (Attic, 1994), et D.Metcalf, Coinage of the Crusades and the Latin East in the Ashmolean Museum, Oxford (London, 1983).

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512). Dans les manuscrits grecs, cette assise se trouve à la fin du livre.

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • D.Jacoby, "The fonde of Crusader Acre and its tariff: some new considerations", in Dei gesta per Francos: Crusade Studies in Honour of Jean Richard, ed. M.Balard, B.Kedar, J.Riley-Smith (Ashgate, 2001), 277-293.
  • J.Prawer, The History of the Jews in the Latin Kingdom of Jerusalem (Oxford, 1988).
  • J.Riley-Smith, "Government and the indigenous in the Latin kingdom of Jerusalem", in Medieval Frontiers: Concepts and Practises, ed. D.Abulafia and N.Berend (Ashgate, 2002), repr. in Crusaders and Settlers in the Latin East (Ashgate, 2008), 121-31.

Mots-clés

commerce ; Juifs/Judaïsme ; musulmans ; Samaritains ; Taxe

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136986, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136986/.

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