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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 264]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Ceux qui frappent l'esclave d'un autre

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison de celuy home franc qui bate autrui esclaf ou esclave, quel dreit en deit estre. Sil avient que I franc home, qui que il soit ou borgeis ou autre persone, bate I esclaf ou une esclave, et son seignor vient a la cort et se claime de selui, par lasise, qui[l] li a sesclave batue: la raison iuge et coumande enci a iuger que ia nul frans hom ne nule franche feme ne fera por ce a serf ni a serve assise, por ce que dreis et raison nen est. Car la lei ni lassise ne le comande mie. Mais se cele esclave meurt par celuy batre, et selui qui la bati en est ataint par bones guarenties qui li virent batre: la raison iuge que celuy est tenus damender a son seignor ou a sa dame de qui fu celuy esclaf ou cele esclave, tant come il vora dire par sa leaute quelle li a voit coste des yceluy ior quelle lacheta iusques au ior quelle avoit este morte. Et ce est dreit et raison par lassise, quia si cristianus seruo sarraceno asissam faceret, iam seruus sarracenus et cristianus paris essent1 condicionis videretur, quod sancte religionis2 fidei cristi obuiaret.

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu’une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi d'un homme libre qui bat l'esclave une autre personne, et le droit qui en découle. S'il se passe qu'un homme libre, qu'il soit bourgeois ou une autre personne, bat un ou une esclave, et que le seigneur de l'esclave vient devant la cour et l'accuse, selon les assises, d'avoir battu l'esclave, la loi juge et ordonne de juger qu'un homme ou une femme libre ne peut pas être accusé par aucun esclave, parce que ceci n'est ni légal ni raisonnable. Car ni la loi ni les assises le permettent. Mais si l'esclave meurt de cette agression, et que celui qui l'a battu est en condamné par deux bons témoins qui ont vu l'agression, la loi juge que l'agresseur est obligé de rembourser le seigneur ou la dame de l'esclave pour autant qu'il en fera la demande, pour son honneur, d'autant que l'esclave lui a coûté au jour qu'il l'a acheté jusqu'au jour où l'esclave est mort. Et ceci est légal et raisonnable selon les assises, car si un Chrétien est accusé par un esclave sarrasin, l'esclave et le chrétien semblerait sur un pied d’égalité, ce qui irait à l’encontre de la sainte religion de la foi chrétienne.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Une personne libre qui bat l'esclave d'une autre personne ne peut être convaincue du crime devant une cour. Si l'esclave meurt, l'agresseur peut être traduit devant la cour, s'il y a des témoins. L'agresseur doit dédommager le propriétaire de l'esclave du prix de cet esclave.

Signification historique

Cette assise doit deriver en dernier lieu du droit romain : selon la the Lex Aquilia, promulguée au IIIème siècle av. J.-C. et conservée dans le Digeste (9.2) et les Institutes (4.3), quiconque tue l’esclave d’une autre personne doit dédommager son propriétaire. Cette loi a également été adaptée deans les Assises de la Cour des Bourgeois traitant d’autres types de dommages ou de propriétés perdues 1. Cependant, on constate des différences majeures. Selon la Lex Aquilia, il était également possible d’intenter un procès contre quiconque blessait même simplement un esclave, ce qui ne semblait pas être le cas à Jérusalem. La compensation pour un esclave selon la Lex Aquilia était calculée seulement d’après l’année précédente, à la difference de Jérusalem où le propriétaire recevait un dédommagement correspondant à la totalité de la période au cours de laquelle il avait possédé l’esclave. Cette assise peut avoir signifié qu’il fallait protéger les propriétaires d’esclaves qui avaient laissé en gage leurs esclaves auprès d’une autre personne ; c’était l’intention générale de la Lex Aquilia, >.2. Dans les deux cas, la loi romaine et les assises, il semble tenu pour acquis qu’un propriétaire d’esclaves pouvait blesser ou tuer ses propres esclaves sans encourir le moindre châtiment (voir par exemple Cod.9.14.1) ; cependant, un propriétaire d’esclave pouvait être poursuivi pour la mort de son proper esclave d’après la Lex Aquilia, si l’esclave avait été laissé en garantie auprès de quelqu’un d’autre. Cette dernière distinction n’apparaît pas dans les assises de Jérusalem. La loi des Croisés diffère de la Lex Aquilia en ce que les esclaves à Jérusalem étaient normalement des musulmans. Les assises mentionnaient rarement la religion ou l’origine ethnique des esclaves, mais les esclaves étaient parfois défini comme musulmans, et les hommes libres comme des chrétiens. Les chrétiens ne pouvaient pas être réduits en esclavage selon le droit des croisades, même si parfois les chrétiens d’Orient passaient pour musulmans et étaient vendus tout comme eux. .34 Le vernis latin accompagnant ce chapitre implique que les esclaves étaient toujours musulmans, bien que le texte en ancien français ne fasse pas cette distinction. De toute manière, la question n’était pas de savoir si les esclaves pouvaient témoigner contre les hommes libres, mais plutôt si les Musulmans (esclaves) pouvaient témoigner contre des chrétiens (libres). La suite de l’assise semble dériver du droit romain et du droit canon traitant du témoignage des juifs, les musulmans remplaçant les juifs des textes originaux. Les juifs avaient interdiction de témoigner contre les Romains dans le droit romain (par exemple Cod. 1.5.11), mais le raisonnement et la formulation de la citation latine dans cette assise sont plus proche du droit canon. De nombreux canons ecclésiastiques interdisaient aux juifs de témoigner, d’occuper tout autre position qui les aurait placés au-dessus des chrétiens d’une manière ou d’une autre, ou d’infliger des dommages à un chrétien, ou au christianisme en général (comme juge ou un autre office public). Ces canons remontent au moins au Vième siècle (par exemple, le canon 9 du concile de Clermont (535), le canon 13 du concile de Mâcon (581-583)), et étaient inclus dans des collections tardives de décrets (par exemple Clementinae 2.8.1, et le Liber Extra, 5.6.16). Les esclaves, quelle que soit leur religion, n’avaient pas le droit de témoigner où que ce soit dans les assises, particulièrement dans les assises de la haute cour (par exemple le Livre des Assises de Jean d’ Ibelin, chapitre 58). Les musulmans libres étaient autorisés à témoigner dans certaines circonstances. Il est intéressant de remarquer qu’il existe une loi comparable dans le plus ancien recueil de lois venant de Jérusalem, les canons du concile de Naplouse de 1120 : un homme ayant violé la femme esclave d’un autre homme pouvait être puni de castration et expulse (c.14). Ces sanctions étaient caractéristiques de la loi Byzantine de la même période. De toute évidence, les croisés de Jérusalem ont été d’abord influences par le droit romain, comme il était appliqué à la même époque à Byzance, mais ensuite les assises tardives ont davantage subi l’influence du droit canon et du droit romain tels qu’ils s’étaient développés en Europe de L'Ouest.

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 370.

2 . W.Buckland, The Roman Law of Slavery (Cambridge, 1908), 29-30 and 281-282.

3 . Prawer, 208-211.

4 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • W.Buckland, The Roman Law of Slavery (Cambridge, 1908).
  • J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973).

Mots-clés

esclaves ; violence

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136979, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136979/.

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