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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 243]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Des voleurs Sarrasins

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison de celuy larron Sarasin qui est pris en autruy maison ou en autruy iardin. Cil avient par aucune aventure que I larron Sarasin vient en lostel dun home, ou en sa vigne ou en son iardin, et il le sentent et courrent apres por prendre le larron, mais il ne pev[en]t, et il avient quil reteignent aucune des choses de celuy larron Sarasin: la raison iuge que tout can que il ont retenu de celuy larron det estre dou seignor de la terre, par ce que le seignor est tenus d amender li le damage que celui larron Sarasin laura fait en sa chose. Ce est verites quil est tenus d amender li le damage en tant com vaura ce quil auront retenu dou larron, et non de plus. Et ce, quil auront retenu dou larron, vaut plus que le damage, si det estre dou seignorage, et ce il vaut mains, nen est tenue la seignorie de riens plus amender de celuy damage se non de tant come est dit desus, car ce est raison. [R]estaurato enim dampno de re fortiua1 domino, si quis2 superest, fisco rite cedit est.3

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 292.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu'une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi à propos d'un voleur sarrasin qui est arrêté dans la maison ou le jardin de n'importe quelle personne. S'il arrive par hasard qu'un voleur sarrasin entre dans la maison, le vignoble, ou le jardin de quelqu’un et qu'ils l'aperçoivent et courent après lui afin de l'arrêter, sans y parvenir, et il arrive qu'ils mettent la main sur quelque chose lui appartenant, la loi juge que tout ce qu'ils ont pris du voleur doit revenir au seigneur de la terre, parce que celui-ci est obligé de rembourser les dommages que le sarrasin aurait provoqués dans cette affaire. Il est vrai qu'il est obligé de rembourser les dégâts de la valeur de ce qui a été pris au voleur, et rien de plus. Et si ce qui a été pris au voleur est d'une valeur supérieure aux dommages provoqués, il doit revenir à la seigneurie, et s'il est d'une valeur inférieure, la seigneurie n'est pas tenue de rembourser aucun du dommage en plus, si ce n'est pas plus que ce qui est mentionné ci-dessus, car ceci est légal. Et parce que, quand le seigneur aura remboursé les dommages de la propriété volée, s'il reste quelque chose qui reste, il doit revenir au fisc, selon le droit.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise fait partie d'une série portant sur le vol (chapitres 239 à 253). Ce chapitre semble concerner les voleurs musulmans en particulier, mais en réalité, il traite surtout des droits et des obligations de l'État en ce qui concerne la propriété que le voleur a laissé derrière lui, s'il a été poursuivi sans être pris. Quel que soit le bien que le voleur aura laissé derrière lui, il devra être remis au gouverneur, qui peut alors l'utiliser pour dédommager la victime en lui versant la valeur de ce qu'il a perdu lors du vol. Mais si ces biens pris au voleur n'ont pas autant de valeur que les biens volés, la seigneurie n'est pas tenue d'indemniser la victime pour la totalité de ses pertes.

Signification historique

Les voleurs musulmans sont aussi mentionnés plus tôt dans le chapitre 213 du manuscrit de Venise où on semble faire allusion à eux en parlant des voleurs qui complotent ensemble. Ce chapitre vénitien ne se trouve pas dans le manuscrit antérieur de Munich. Le présent chapitre est le seul autre à faire mention des voleurs musulmans, bien que cette mention soit ici accessoire par rapport à l'objet principal de l'assise qui consiste à protéger l'État d'avoir à rembourser les victimes de vol. Les chapitres précédents et suivants affirment que si un voleur est arrêté, il doit être amené devant le tribunal avec les marchandises volées. Mais si la personne qui l'a attrapé le laisse partir, cette personne subira la même peine prévue pour les voleurs (240, 248), le voleur ne peut pas nier l'accusation si les témoins jurent sur les Évangiles qu'il est un voleur (241), la personne qui arrête un voleur n'a aucun droit sur les biens volés s'ils n'ont pas été dérobés chez lui (242); les biens volés qui auraient été vendus à quelqu'un d'autre doivent être retournés, mais sans sanction supplémentaire à l'encontre de la personne qui les a rachetés (244, 246, 250, mais en 246, si le voleur peut être pris, il doit être pendu), le témoignage d'un voleur n'est pas valable, surtout s'il accuse les autres d'être ses complices (247). Il y a par ailleurs différents chapitres sur le vol d'animaux (251-253). Ce n'est que beaucoup plus loin, dans les chapitres 291 et 292, que la punition générale pour les voleurs est donnée. Le condamné peut être battu ou marqué. Il peut aussi avoir la main coupée pour une première infraction, et être mis à mort par pendaison pour une deuxième infraction. La pendaison est mentionnée dans les chapitres précédents comme étant la seule punition applicable aux voleurs avérés, mais sans doute la peine dépendra de la nature des biens volés, de leur valeur, de l’existence ou non de témoins et du fait que l'accusé ait reconnu ou nié l'accusation. Comme il n'y avait pas de distinction dans les assises entre voleurs musulmans et chrétiens, nous ne savons pas s'ils étaient sanctionnés différemment. Cependant, les musulmans étaient certainement désavantagés par leur témoignage qui, au tribunal, avait une valeur inférieure à celle d'un témoignage provenant d’un chrétien. Il est généralement difficile de faire correspondre les faits historiques avec les assises mais, dans ce cas, il y a beaucoup de preuves au sujet des voleurs musulmans et chrétiens opérant dans le royaume de Jérusalem. Le chroniqueur du XIIe siècle et archevêque de Tyr, Guillaume, note ce qui semble être l’ancienne loi des croisés, émise en réponse aux vols fréquents commis à Jérusalem, juste après que la ville ait été prise en 1099. 1. Il mentionne également des bandes organisées de musulmans qui ont été défaites par des expéditions militaires. Les canons du concile de Naplouse en 1120, ont également traité du vol, mais sans évoquer spécifiquement les voleurs musulmans. L'auteur musulman Usāma b. Munqidh mentionne les voleurs à la fois musulmans et chrétiens2, et Ḍiyā’ al-Dīn al-Maqdisī a une histoire au sujet d'un voleur musulman qui a apparemment été pris et exécuté par les Francs.3

Les assises se terminent par une citation latine incomplète, qui résume le texte français.

1 . Willelmi Tyrensis Archiepiscopi Chronicon, ed. R. Huygens, Corpus Christianorum Continuatio Medievalis 38-38A (Turnout: Brepols, 1986.), c. 9.19, 446.

2 . The Book of Contemplation, trad. P. Cobb (London: Penguin Classics, 2008), 139-142.

3 . Daniella Talmon-Heller, "The Cited Tales of the Wondrous Doings of the Shaykhs of the Holy Land by Diyaʾ al-Dīn Abū ʿAbd Allah Muḥammad b. ʿAbd al-Waḥid al-Maqdisī (569/1173-643/1245): text, translation, and commentary," Crusades 1 (2002), 111-113.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Mots-clés

musulmans ; Vol

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Ahmed   Oulddali  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136977, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136977/.

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