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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 202]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Les raisons pour lesquelles un esclave affranchi peut à nouveau être réduit en servitude

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison par quantes choses retorne le serf ou la serve en servage arieres puis quil a este fait Crestien. Sil avient que [aucun batie ou] aucune batiee puis que il sont franc si font aucun outrage a leur seignor ou a leur dames ou a leur anfans: deivent estre tornes arieres en servage, si com est se le batie ou la batiee menassa de batre ou docirre son seignor ou sa dame ou ces anfans, ou cil li fist grant honte si com est ce il le fery, ou cil fist grant damage a son seignor ou a sa dame ou a ces anfans, ou aucun autre mau. La raison comande et iuge que celui ou cele batiee qui feret contre son seignor ou contre sa dame ou contre ces anfans nules de ces choses que sont dites desus, il redevient serf tant com ces sires ou sa dame vora a son servise, mais non mie quil le puisse vendre. Et ia soit se que le batie ou la batiee retorne en arrieres en servete par sa male faite, si comande la raison que, ce seluy ou cil a eu enfans tant coume il estet frans, ou que elle soit groce, que ceaus anfans ne deivent pas estre sers, ains deivent estre auci bien frans com cil fucent nes dune franche feme. Car la male faite dou pere ou de la mere ne doit tenir damage a celuy qui est encores a naistre ou qui est nes, par dreit ne par lassise dou reaume de Jerusalem. Et bien saches quen toutes ces raisons que hon vos ai dites dou serf et de la serve si det aver garenties qui preuvent se que le serf ou la serve aura fait, se il se voleit desdire de ce quil avereit fait contre son seignor ou contre sa dame ou contre ses anfans. Car sans II garens, puis con nee la chose, ne peut on iuger la verites.

Langue

français

Source du texte original

E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart, Adolf Krabbe, 1839), 223.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu’une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi portant sur les raisons pour lesquelles un ou une esclave peut se réduire en esclavage après qu'il soit devenu chrétien. S'il arrive qu'un homme baptisé, ou une femme baptisée, fasse un outrage contre son seigneur ou dame ou leurs enfants, ils doivent être réduits de nouveau en esclavage, c'est-à-dire si le baptisé ou la baptisée a menacé de battre ou tuer son seigneur ou dame ou leurs enfants, ou s'il fait telle grande honte qu'il l'a frappé, ou s'il fait grands dommages contre son seigneur ou dame ou leurs enfants, ou aucun autre mal. La loi ordonne et juge que le baptisé ou la baptisée qui fait ces choses mentionnées ci-dessus contre son seigneur ou sa dame ou leurs enfants doit redevenir esclave aussi longtemps que le seigneur ou la dame veut qu'il serve, mais ils ne peuvent pas le vendre. Et si le baptisé ou la baptisée est réduit en esclavage à cause de sa mauvaise action, la loi ordonne que, si lui ou elle a eu des enfants pendant qu'il était libre, ou si la baptisée est enceinte, ces enfants ne doivent pas devenir esclaves, mais doivent être libres comme s'ils étaient nés d'une femme libre. Car celui qui n'est pas encore né ou même qui est né ne doit pas être tenu responsable des mauvaises actions de son père ou de sa mère, selon le droit et les assises du royaume de Jérusalem. Et sachez bien que sur toutes les choses qui vous ont été expliquées au sujet d'un ou une esclave, il faut qu'il y ait des témoins pouvant établir ce que l'esclave a fait, si l'esclave veut nier ce que a été fait contre son seigneur ou sa dame ou leurs enfants. Car sans deux témoins, on ne peut pas déterminer la vérité, si l'accusé la nie.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise prévoit qu'un esclave affranchi peut à nouveau être réduit en servitude s'il commet un crime contre son ancien maître, mais aussi qu'il ne peut pas être vendu à une autre personne. Ses enfants, ou les enfants à naître d'une esclave féminine enceinte, seront considérés comme libres de naissance.

Signification historique

On peut supposer que les esclaves étaient normalement musulmans, ainsi qu'il ressort clairement du chapitre 16. La conversion au christianisme était, pour les esclaves, une des voies permettant l'affranchissement. En effet, dans le droit de l'Orient latin, les chrétiens ne pouvaient pas être esclaves (bien qu'il soit arrivé que des chrétiens d'Orient soient passés pour musulmans et aient été vendus comme esclaves). Cependant, les textes ne disent pas clairement si la conversion était une condition nécessaire mais non suffisante de la liberté (c'est-à-dire, s'il fallait, pour espérer obtenir la liberté, se convertir, mais si un esclave converti n'était pas nécessairement libéré), ou si la libération était obligatoire (un esclave serait toujours libéré dès lors qu'il se convertit).1 Les esclaves connaissaient bien cette règle et l'exploitaient, ce qui avait pour effet de nuire à l'économie des Croisés qui dépendait de l'esclavage musulman. Les esclaves musulmans étaient si souvent désireux de se convertir que le Pape Grégoire IX décida que les musulmans convertis resteraient esclaves.234 Ceci est permis également par le Statut de Jaffa, donné par le légat papal Eudes de Châteauroux en 1253. C'était contraire aussi bien au droit canonique qu'au droit des Croisés, mais il y avait une façon légale par laquelle un esclave pourrait être réduit encore en esclavage contre son gré, c'est-à-dire s'il a commis un crime contre son ancien maître. Bien que les hommes affranchis, ou "libertins" en ancien français, eussent plus de droits légaux et sociaux que les esclaves, ils en avaient moins que ceux qui étaient libres depuis leur naissance. Ils ne pouvaient pas du tout agir contre leurs anciens maîtres, soit légalement, en tentant de les poursuivre devant la cour, comme il est expliqué dans le chapitre 16, soit illégalement, comme il est expliqué dans ce chapitre. Ils pouvaient se marier et leurs enfants pouvaient hériter leur propriété, mais comme il est mentionné dans les chapitres juste avant, leurs anciens maîtres avaient des droits sur une partie ou toute la propriété s'ils étaient morts sans testament ou sans enfants. On peut supposer que les hommes affranchis s'en sont sortis mieux que les esclaves, mais ils n'étaient pas complètement libres. Cependant, leurs enfants, soit nés soit à naître, avaient tous les mêmes droits que n'importe quelle autre personne libre, et ils ne pouvaient pas être réduits en esclavage avec leurs parents.5 Cette assise provient des mêmes principes du droit romain, par exemple Cod. 6.7.2 et 4, qui disent qu'un esclave qui commet un crime contre son ancien maître sera réduit encore en esclavage. Le Corpus stipule que les enfants de l'homme affranchi resteront libres, mais les enfants nés après qu'il ait été réduit en esclavage seront aussi esclaves, contraire aux les assises des bourgeois. Comme a noté Prawer, certains principes du droit romain sont provenus à Jérusalem par le traité du droit provençal du douzième siècle appelé Lo Codi. Ce traité contient exactement la même loi que les assises des bourgeois (Lo Codi 6.25.1-3 en version occitane, 6.23 en version latine), y compris la stipulation (contraire à la loi romaine originale) que les enfants à naitre resteront libres. Les assises des bourgeois notent aussi que des témoins sont requis afin de prouver le crime. En supposant que cela suit les autres assises, l'accusateur pourrait suivre n'importe quelle religion, mais il aurait besoin de deux témoins de la même religion de l'accusé (en ce cas, des catholiques, car l'esclave baptisé était, par définition, un catholique).

1 . B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984), 76.

2 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980), 208-211.

3 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973), 62-63.

4 . Acta Honorii III et Gregorii IX 1227-1241, A.Tautu, ed. (Vatican, 1950), no. 228.

5 . M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 263-265.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscript Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • B. Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.
  • J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980).
  • J. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973).

Mots-clés

affranchissement ; baptême ; conversion au christianisme ; esclaves ; musulmans ; témoignage ; violence

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Capucine   Nemo-Pekelman  :  relecture -corrections

Claire   Chauvin  :  relecture

Comment citer cette notice

Notice n°136696, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136696/.

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