./.

D'aquels qui fugen a les esgleyes.[Fuero de Valence, livre 1, rubrique 9, chapitre 1]

Titre en français

De ceux qui fuient aux églises

Titre descriptif

Les juifs ou sarrasins qui cherchent à échapper à leur crime ou à leur dette en se convertissant

Type de texte

fuero

Texte

Iacobus I, rex. Juheus o sarrahins que seran encolpats d'alcú malefici, o seran obligats a molts deutes, e faran semblant que▪s vullen fer christians, e fugiran e▪s metran en les esgleies per ço que pusquen esquivar e estorçre de la pena del malefici de què seran encolpats, e que no sien tenguts de pagar los deutes en què seran obligats, sien destrets de pagar tots los deutes que deuran, o que▪ls asseguren de pagar ; e no sien ans reebuts a baptisme entrò agen tots los deutes pagats o assegurats de pagar, o seran desencolpats e purgats d'aquel malefici del qual eren encolpats. Esmenam en aquest fur que▪l baptisme no▪ls si vedat ne alongat per deute que degen ne per crim ; mas quan seran batejats, sien tenguts de respondre al crim e de pagar ço que deuran.

Langue

catalan

Source du texte original

Fuero de Valence, livre 1, rubrique 9, chapitre 1

Datation

  • Date fixe : 1261

Aire géographique

  • Valence
  • Bien que ce fuero soit issu du Furs de Valence, son contenu se retrouve dans des lois propres à l'Aragon ou la Catalogne. Ainsi, tous ces territoires sont concernés par le contenu de ce texte.

Traduction française

Les juifs ou sarrasins qui seront inculpés d'un crime ou qui seront obligés par nombreuses dettes et feront semblant de vouloir être chrétiens, et se réfugieront dans les églises pour qu'ainsi ils puissent échapper à la peine résultant de leur inculpation pour crime, et qu'ainsi ils ne soient pas tenus de payer les dettes pour lesquelles ils étaient obligés, sans s'embarrasser de payer toutes les dettes qu'ils devaient, ou qu'ils s'étaient assurés de payer ; Nous amendons dans ce fuero que le baptême est vu comme permettant d'échapper au paiement de sa dette et au châtiment que l'on doit pour un crime ; mais quand on sera baptisé, on sera tenu de répondre du crime et de payer ce que l'on doit.

Source traduction française

Y. Masset

Résumé et contexte

Les pouvoirs ecclésiastiques et laïcs chrétiens étaient particulièrement soucieux de voir les minorités religieuses, juifs et musulmans, se convertir à leur foi. Fallait-il les y forcer ou bien attendre qu’ils le fassent dans leurs âmes et consciences, grâce notamment à l’aide des prédicateurs ? Pouvait-on croire à la bonne foi d’une conversion spontanée ? Ces questions furent débattues sans relâche à travers le Moyen Âge. Ce fuero apporte un élément de réponse en mettant en exergue une des peurs des autorités chrétiennes, les fausses-conversions. Ainsi, des juifs et des musulmans se convertiraient uniquement dans le but d’échapper à une condamnation de leur crime ou à leur dette, et non pas par conviction profonde, mettant à mal la confiance de l’Église et du roi en la conversion spontanée.

Signification historique

Cette pratique est attestée, comme nous pouvons le constater dans des textes de la pratique judiciaire. David Nirenberg mentionne le cas de deux bergères musulmanes qui se convertissent pour échapper à des accusations de relations sexuelles avec des chrétiens le 8 septembre 1321 1. De son côté, Jean Régné mentionnait la rémission royale accordée par Jacques II au nouveau converti Ramon Fuster le 19 janvier 1325/1326. Il avait été inculpé d’avoir tué, quand il était encore juif, son coreligionnaire de Tortose, Azach de Monzon, et d’avoir fui à l’étranger pendant 20 ans après ce drame. Jacques II lui pardonne ces actes car il juge Ramon Fuster honnête dans sa conversion 2. Cette rémission semble prouver que la peur chrétienne résidait dans la sincérité de la conversion ; si elle était attestée le nouveau chrétien pouvait être pardonné. Cependant, le pardon royal se monnayait cher et n’était pas accordé à n’importe qui et n’importe quand. C’est pourquoi, il est difficile de faire de ce texte une généralité. Quoi qu’il en soit, la peur chrétienne de la fausse conversion dans le but d’échapper à ces crimes ne semble pas être fortuite. Le fuero de Valence explique que le fait d’ouvrir son cœur à la foi du Christ ne pouvait être intéressé mais sincère. Pour s’en assurer, il réprouve l’absolution des fautes du nouveau converti au moment de cet acte. Il devra obligatoirement rendre des comptes à la justice ou à ses créanciers. Cette décision semble s’ancrer dans des racines profondes, le premier paragraphe de ce fuero étant sûrement l'adaptation catalane du Codex Theodosius 9.45.2.

1 . Nirenberg, p. 172, Archivo de la Corona de Aragon, Registre 172, 21r

2 . Régné, n°3363, Archivo de la Corona de Aragon, Registre 228, 49r

Manuscrits

  • Les fueros de Valence ont fait l'objet de nombreuses copies. Dans le cas présent, il s'agit du manuscrit de Boronat Péra conservé aux archives de la bibliothèque municipale de Valence qui fut repris en 1564 lors de la réunion de la Cort de la ville à Montso pour une révision des textes. L'extrait présenté ici est issu de cette nouvelle compilation, même si le texte en lui-même est plus ancien.

Editions

  • G.Colon and A. Garcia, eds., Furs de València (Barcelona, 1974), vol 2, 83.

Etudes

  • D.Nirenberg, Violence et minorités au Moyen Âge (Paris, 2001).
  • J.Régné, History of the Jews in Aragon: regesta and documents, 1213-1327 (Jérusalem, 1978).

Mots-clés

apostasie ; conversion au christianisme

Auteur de la notice

Youna   Masset

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Adam   Bishop  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°1091, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait1091/.

^ Haut de page