Nom de la loi

Loi Aemilia somptuaire

Date

115 av. J.-C. ?

Rogator

M. Aemilius Scaurus

Thèmes

Sources

Plin., Nat., 8, 223
saurices et ipsos hieme condi auctor est Nigidius, sicut glires, quos censoriae leges princepsque M. Scaurus in consulatu non alio modo cenis ademere <quam> conch<y>lia aut ex alio orbe conuectas aues
 - Gell., 2, 24, 12
Praeter has leges Aemiliam quoque legem inuenimus, qua lege non sumptus cenarum, sed ciborum genus et modus praefinitus est
 - Macr., Sat., 3, 17, 13
Sulla mortuo Lepidus consul legem tulit et ipse cibariam – Cato enim sumptuarias leges cibarias appellat
 - Vir. ill., 72, 5
Consul legem de sumptibus et libertinorum suffragiis tulit

Bibliographie

  • Rotondi, LPR, 320
  • Kübler, B., RE, IV,1, 1931, s.u. sumptus, 905
  • Sauerwein, Leges sumptuariae , 120-127
  • Gabba, E., « Ricchezza e classe dirigente romana fra III e I sec. A. C. », RSI , 93, 1981, 541-558, part. 556 ( Del buon uso della ricchezza = Milan, 1988, 27-44, part. 42-43)
  • Baltrusch, E., Regimen morum , 86-88
  • Bottiglieri, A., La legislazione sul lusso nella Roma repubblicana , Naples, 2002, 165-166
  • Coudry, Loi, 155, 160

Commentaire

Pline et l’auteur du De viris illustribus indiquent comme rogator M. Aemilius Scaurus et datent explicitement la loi de l’année de son consulat, c’est-à-dire 115. L’attribution à M. Aemilius Lepidus, le consul de 78, qui figure chez Macrobe, procède manifestement d’une erreur d’interprétation du passage d’Aulu-Gelle relatif à la loi : celui-ci, en effet, interrompt l’ordre chronologique qu’il a suivi jusque là dans son énumération des lois somptuaires, et qu’il reprend ensuite, pour signaler, dans une sorte de parenthèse (praeter has leges … inuenimus), la singularité du contenu de la lex Aemilia. C’est donc avec raison que l’on s’accorde à rejeter la date de 78, ainsi que l’hypothèse de deux lois homonymes de dates différentes (Rotondi ; Sauerwein, 126 ; Baltrusch ; Bottiglieri).

Contrairement aux précédentes lois restreignant le luxe de la table (lex Fannia : notice 380 ; lex Licinia : notice 510), celle-ci, comme le souligne Aulu-Gelle, ne limite pas la dépense pour les repas, mais définit des types et des quantités de produits. La formulation de l’auteur du De viris illustribus : lex de sumptibus, est donc stricto sensu inexacte. Pline est le seul à donner quelques précisions sur les produits interdits : les loirs, les coquillages, les oiseaux exotiques ; comme il s’agit de denrées de luxe, il va de soi que leur prohibition est tout de même un moyen indirect de limiter les dépenses de table.

Ce type de prescriptions se rencontre plus souvent dans des édits des censeurs, et le texte de Pline associe justement la loi de Scaurus à des mesures censoriales dont il ne précise pas les auteurs et qu’il nomme censoriae leges. Cette expression désigne d’ordinaire les contrats passés par les censeurs, (mais, contrairement à ce qu’indique Mommsen, Dr. publ., IV, 50, n. 3, Pline n’est pas le seul à l’employer dans un sens différent : cf. Cic., Rab. perd., 15Sed moreretur prius acerbissima morte miliens <C.> Gracchus quam in eius contione carnifex consisteret ; quem non modo foro sed etiam caelo hoc ac spiritu censoriae leges atque urbis domicilio carere uoluerunt. ; il est clair cependant qu’il maîtrise mal la question des rapports entre les censeurs et la procédure législative : cf. Plin., Nat., 35, 197 neque enim pigebit hanc quoque partem adtingere, cum lex Metilia extet fullonibus dicta, quam C. Flaminius L. Aemilius censores dedere ad populum ferendam à propos de la lex Metilia sur les foulons). Elle a été comprise ici comme signifiant que le consul avait voulu, par un vote comitial, donner force légale, sur la demande des censeurs de 115, à des mesures qu’ils auraient prises (Sauerwein, 123), et on pourrait imaginer effectivement que ceux-ci aient été les véritables instigateurs de la loi (cf. les remarques de K. Sandberg, Magistrates and Assemblies. A Study of Legislative Practice in Republican Rome, Rome, 2001, 100-101, sur l’expression legem ferre). De fait, plusieurs éléments suggèrent une étroite collaboration politique entre Scaurus et les censeurs de cette année-là : c’est à eux qu’il doit le titre de princeps senatus, et la loi de libertinorum suffragiis, que Scaurus fait voter en même temps que la loi somptuaire (et qui en est certainement distincte, malgré la formule du De viris : legem de sumptibus et libertinorum suffragiis tulit), mais dont nous ne savons rien, est probablement en rapport avec l’inscription des citoyens dans les tribus, tâche dont sont chargés les censeurs. Cette collaboration politique a pu se trouver renforcée de liens familiaux, l’un des censeurs étant le frère du consul collègue de Scaurus. Cependant, il n’est pas assuré que ces leges censoriae citées par Pline émanent des censeurs de 115, ni d’ailleurs qu’elles se confondent avec celles qu’il mentionne dans deux autres passages (Plin., Nat., 8, 209 hinc censoriarum legum paginae inter dictaque cenis abdomina, glandia, testiculi, uuluae, sincipita uerrina, ut tamen Publi<l>i mimorum poetae cena, postquam seruitutem exuerat, nulla memoretur sine abdomine, etiam uocabulo suminis ab eo inposito et Plin., Nat., 36, 4 exstant censoriae leges Claudianae in cenis glires et alia dictu minora adponi uetantes : marmora inuehi, maria huius rei causa transiri quae uetaret, lex nulla lata est – où la lecture Claudianae doit décidément être rejetée au profit de Claudia : cf. la note ad loc. d'A. Rouveret dans l'édition CUF, 1981), bien que leur contenu soit très voisin.

Ce que nous connaissons du contexte ne permet guère non plus de préciser les intentions de Scaurus : hormis le soutien qu’il apporta à Opimius contre Caius Gracchus, rien n’est connu de ses engagements politiques antérieurs à son consulat. Gabba suggère que la loi lui aurait été inspirée par le souci d’éviter aux membres de l’aristocratie les effets désastreux pour une carrière de la faiblesse de leurs moyens économiques, dont sa propre famille avait fait l’expérience.

Du devenir de la loi, nous savons peu de choses. Le grammairien Priscien cite quelques mots d’un discours (ORF4, n° 25, fr. 6Aemilius Porcina orator, in oratione uti lex Aemilia abrogaretur : tempore adstiturum atque petiturum me esse) prononcé par « l’orateur Aemilius Porcina », qui ne peut être que le consul de 137, M. Aemilius Lepidus Porcina (RE 83), « en faveur de l’abrogation de la loi Aemilia ». On suppose, parce qu’on sait que Porcina a été victime d’une nota infligée par les censeurs de 125 pour le luxe de sa demeure et de sa villa d’Alsium (Vell., 2, 10, 1 Prosequamur nota seueritatem censorum Cassii Longini Caepionisque, qui abhinc annos CLVII Lepidum Aemilium augurem, quod sex milibus <HS.> aedes conduxisset, adesse iusserunt ; Val. Max., 8, 1, damn. 7 Admodum seuerae notae et illud populi iudi cium, cum M. Aemilium Porcinam a L. Cassio accusatum crimine nimis sublime extructae uillae in Alsiensi agro graui multa affecit), que c’est contre la loi somptuaire de Scaurus qu’il prit parti (Sauerwein, 125 ; Baltrusch). Si c’est le cas, le fait que les censeurs de 115 lui aient préféré Scaurus comme princeps senatus n’est peut-être pas étranger à cet engagement. La fin du IIème siècle est, au demeurant, un moment de vigoureux débats autour de la réglementation du luxe ; mais la loi somptuaire dont le tribun Duronius fit voter l’abrogation n’est certainement pas celle-ci (voir notices 375 et 510).

Comment citer cette notice

Marianne Coudry. "Loi Aemilia somptuaire", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice14/. Date de mise à jour :12/03/20 .