> Extrait

Asclépiade de Samos (?), Épigrammes, 44 Gow-Page.

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Sources

Anthologie Palatine IX, 752

Date du texte cité

4e quart du

Précisions : Asclépiade fut actif au tournant des IV<sup>e et III<sup>e siècles avant J.-C. Cléopâtre, sœur d'Alexandre, est assassinée en 309/308 av. J.-C., ce qui fournit un terminus ante quem pour l'épigramme, à supposer qu'elle soit bien d'Asclépiade de Samos (et non d'Antipater de Thessalonique qui était actif dans le dernier quart du Ier siècle av. J.-C.).

Texte (version originale)

Εἰμὶ Μέθη τὸ γλύμμα σοφῆς χερός, ἐν δ᾽ ἀμεθύστῳ

   γέγλυμμαι· τέχνης δ᾽ ἡ λίθος ἀλλοτρίη.

ἀλλὰ Κλεοπάτρης ἱερὸν κτέαρ· ἐν γὰρ ἀνάσσης

   χειρὶ θεὸν νήφειν καὶ μεθύουσαν ἔδει.

Traduction

Je suis Méthè (l'Ivresse), gravure réalisée par une main habile, et j'ai été gravée sur une améthyste; la pierre et l'œuvre sont ennemies, mais je suis la possession sacrée de Cléopâtre et, sur la main de la souveraine, même la déesse ivre se devait d'être sobre.

Source de la traduction

traduction É. Prioux

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Dans cette épigramme, Méthè, l'Ivresse personnifiée qui est ici gravée sur une améthyste, s'exprime à la première personne. Cette épigramme joue sur le conflit entre matière (améthyste, pierre censée protéger contre l'ivresse - cf. Pline, NH, XXXVII, 124) et figure représentée (Méthè, l'Ivresse personnifiée): «la pierre et l'œuvre sont ennemies».

Si le lemme de l'Anthologie de Planude attribue cette épigramme à Asclépiade, on peut constater que le lemme de l'Anthologie palatine hésite entre Asclépiade et une attribution à Antipater de Thessalonique (« Ἀσκληπιάδου τινὲς δὲ Ἀντιπάτρου Θεσσαλονικέως »). L'attribution à Asclépiade a été récemment défendue par I. Galli Calderini, K. Gutzwiller, et est acceptée par A. Sens dans son édition des épigrammes d'Asclépiade. L'attribution à Antipater de Thessalonique a été au contraire défendue par A. Cameron, M. Di Marco et tout récemment encore par L. Argentieri.

Si l'on accepte l'attribution à Asclépiade, la Cléopâtre dont il est question ne peut-être que la sœur cadette d'Alexandre le Grand, fille de Philippe II de Macédoine et d'Olympias qui fut assassinée en 309/308 av. J.-C. Cette attribution peut s'accorder notamment avec l'intérêt que l'on reconnaît chez Posidippe de Pella, un poète lié de près à son aîné Asclépiade, pour les descriptions de pierres gravées.

Si on accepte au contraire l'attribution à Antipater de Thessalonique, la candidate la plus vraisemblable devient Cléopâtre Séléné fille de Cléopâtre VII et de Marc Antoine qui épousera Juba II roi de Maurétanie. Cette deuxième possibilité mérite elle aussi toute notre attention dans la mesure où Marc Antoine, père de Cléopâtre Séléné, est associé à des représentations dionysiaques réalisées par des tailleurs de gemmes (ainsi pour le tailleur de gemmes Sostratos et peut-être pour Tryphon: voir M.-L. Vollenweider, Die Schneidekunst und ihre Künstler in spätrepublikanischer und augusteischer Zeit, Baden-Baden 1966, p. 36; M. E. Micheli, «Tryphon a Sentinum?», dans M. Medri (dir.), Sentinum 295 a.C. Sassoferrato 2006. 2300 anni dopo la battaglia. Una città romana tra storia e archeologia, (Studia archaelogica 163, Sentinum III), Rome, 2008, p. 127-139). L. Argentieri souligne en outre que l'épigramme provient d'un groupe d'épigrammes qui semblent toutes être des ecphraseis impériales de gemmes et de pierres gravées (AP, IX, 746-752) et que Cléopâtre Séléné protégeait, semble-t-il, des épigrammatistes comme le montrent deux pièces de Crinagoras (AP IX, 235 et VII, 633).

Si l'on retient au contraire l'attribution à Asclépiade, on se retrouve face à une épigramme destinée à complaire à Cléopâtre sœur d'Alexandre. La formulation (ἱερὸν κτέαρ + génitif) suggère que cette reine a un statut quasi-divin. L'épigramme vise probablement à mettre en évidence les liens entre Cléopâtre et son défunt frère, Alexandre le Grand, qui se présentait comme un Néos Dionysos (Nouveau Dionysos), tout en soulignant la dignité de cette reine dont la présence incite l'Ivresse personnifiée à être sobre. Méthè, la personnification de l'Ivresse, fait son apparition dans la littérature et dans l'art dans la deuxième moitié du IVe siècle (Ménandre composa une pièce intitulée Méthè, où l'Ivresse personnifiée prononcait le prologue). L'ivresse fut aussi un sujet d'intérêt pour les philosophes dans les dernières décades du IVe siècle et un traité péripatéticien Sur l'ivresse circula sous le nom d'Aristote. Pour les représentations figurées, on connaît par Pline (NH XXXIV, 69) l'existence d'un groupe de Praxitèle comprenant Dionysos, un satyre et Méthè, ainsi que celle d'une peinture de Pausias (Paus. II, 27, 3 : voir commentaire iconographique I). Sur tous ces points, voir K. Gutzwiller, art. cit. dans la bibliographie.

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Bibliographie

I. Galli Calderni, «Su alcuni epigrammi dell'Antologia Palatina corredati di lemmi alternativi», Atti dell'Accademia Pontaniana, n.s. 31, 1982, p. 239-280; A. Cameron, «Two Mistresses of Ptolemy Philadelphus», GRBS, 31, 1990, p. 292; K. Gutzwiller, «Cleopatra's Ring», GRBS, XXXVI, 1995, p. 383-398; M. Di Marco, Massimo, «“Methe” in un epigramma incerti auctoris dell’Anthologia Palatina (9.752). Asclepiade o Antipatro di Tessalonica?», in M. Cannatà Fera - S. Grandolini (dir.), Poesia e Religione in Grecia. Studi in Onore di G. Aurelio Privitera, Naples: Edizioni Scientifiche Italiane, 2000, I, p. 289-304; L. Argentieri, Gli epigrammi degli Antipatri, Bari: Levante, 2003, p. 196-199; A. Sens, Asclepiades of Samos: Epigrams and Fragments, Oxford: OUP, 2010, p. 300-308.

Indexation

Personnages(s):

Méthè

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Pausias avait peint pour la tholos de l'Asclépiéion d'Épidaure une Méthè buvant le contenu d'une phiale en verre (Paus. II, 27, 3). On a supposé que cette image avait inspiré le motif retrouvé sur plusieurs intailles qui représentent une figure féminine nue buvant dans une coupe et qui correspondent peut-être à la représentation de la gemme perdue de Cléopâtre. Cf. A. Furtwängler, Die antiken Gemmen, Leipzig, 1900, II, p. 209 et pl. 43, fig. 59 ; A. Kossatz-Deissmann, «Methe», LIMCVI/1, Zurich, 1992, p. 563.

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/15674

Auteur du commentaire iconographique

É. Prioux

Comment citer cette notice

Texte n°811 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait811/. Première version : 18/06/10. Date de mise à jour : 05/11/16

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