> Extrait

Aratos, Phénomènes, 98-136 Jean Martin.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

Εἴτ´ οὖν Ἀστραίου κείνη γένος, ὅν ῥά τέ φασιν

ἄστρων ἀρχαῖοι πατέρ´ ἔμμεναι, εἴτε τευ ἄλλου,

εὔκηλος φορέοιτο. Λόγος γε μὲν ἐντρέχει ἄλλος

ἀνθρώποις, ὡς δῆθεν ἐπιχθονίη πάρος ἦεν,

ἤρχετο δ´ ἀνθρώπων κατεναντίη, οὐδέ ποτ´ ἀνδρῶν

οὐδέ ποτ´ ἀρχαίων ἠνήνατο φῦλα γυναικῶν,

ἀλλ´ ἀναμὶξ ἐκάθητο καὶ ἀθανάτη περ ἐοῦσα.

Καί ἑ Δίκην καλέεσκον· ἀγειρομένη δὲ γέροντας

ἠέ που εἰν ἀγορῇ ἢ εὐρυχόρῳ ἐν ἀγυιῇ,

δημοτέρας ἤειδεν ἐπισπέρχουσα θέμιστας.

Οὔπω λευγαλέου τότε νείκεος ἠπίσταντο,

οὐδὲ διακρίσιος περιμεμφέος, οὐδὲ κυδοιμοῦ·

αὕτως δ´ ἔζωον· χαλεπὴ δ´ ἀπέκειτο θάλασσα,

καὶ βίον οὔπω νῆες ἀπόπροθεν ἠγίνεσκον,

ἀλλὰ βόες καὶ ἄροτρα καὶ αὐτὴ πότνια λαῶν

μυρία πάντα παρεῖχε Δίκη, δώτειρα δικαίων.

(114) Τόφρ´ ἦν ὄφρ´ ἔτι γαῖα γένος χρύσειον ἔφερβεν.

Ἀργυρέῳ δ´ ὀλίγη τε καὶ οὐκέτι πάμπαν ἑτοίμη

ὡμίλει, ποθέουσα παλαιῶν ἤθεα λαῶν.

Ἀλλ´ ἔμπης ἔτι κεῖνο κατ´ ἀργύρεον γένος ἦεν·

ἤρχετο δ´ ἐξ ὀρέων ὑποδείελος ἠχηέντων

μουνάξ, οὐδέ τεῳ ἐπεμίσγετο μειλιχίοισιν·

ἀλλ´ ὁπότ´ ἀνθρώπων μεγάλας πλήσαιτο κολώνας,

ἠπείλει δὴ ἔπειτα καθαπτομένη κακότητος,

οὐδ´ ἔτ´ ἔφη εἰσωπὸς ἐλεύσεσθαι καλέουσιν.

«Οἵην χρύσειοι πατέρες γενεὴν ἐλίποντο

χειροτέρην· ὑμεῖς δὲ κακώτερα τέκνα τεκεῖσθε.

Καὶ δή που πόλεμοι, καὶ δὴ καὶ ἀνάρσιον αἷμα

ἔσσεται ἀνθρώποισι, κακῷ δ´ ἐπικείσεται ἄλγος».

Ὣς εἰποῦς´ ὀρέων ἐπεμαίετο, τοὺς δ´ ἄρα λαοὺς

εἰς αὐτὴν ἔτι πάντας ἐλίμπανε παπταίνοντας.

Ἀλλ´ ὅτε δὴ κἀκεῖνοι ἐτέθνασαν, οἳ δ´ ἐγένοντο,

χαλκείη γενεὴ προτέρων ὀλοώτεροι ἄνδρες,

οἳ πρῶτοι κακοεργὸν ἐχαλκεύσαντο μάχαιραν

εἰνοδίην, πρῶτοι δὲ βοῶν ἐπάσαντ´ ἀροτήρων.

Καὶ τότε μισήσασα Δίκη κείνων γένος ἀνδρῶν

ἔπταθ´ ὑπουρανίη, ταύτην δ´ ἄρα νάσσατο χώρην,

ἧχί περ ἐννυχίη ἔτι φαίνεται ἀνθρώποισι

Παρθένος ἐγγὺς ἐοῦσα πολυσκέπτοιο Βοώτεω.

Traduction

Ainsi est-elle la fille d'Astrée, dont on dit d'ordinaire qu'il fut le père antique des constellations, ou bien de quelqu'un d'autre ? Puisse-t-elle de toute façon suivre paisiblement son chemin. Pourtant une autre tradition court parmi les hommes selon laquelle elle séjournait jadis sur la terre, elle venait à la rencontre des humains, elle ne dédaignait pas la foule des hommes et des femmes d'autrefois ; bien au contraire, elle s'asseyait au milieu d'eux, tout immortelle qu'elle fût, et on l'appelait Justice. Elle rassemblait les anciens soit sur la place du marché, soit dans une large rue, et là elle énonçait, d'un ton pressant, des sentences bonnes pour son peuple. En ce temps-là ils ignoraient encore la chicane funeste, les rivalités préjudiciables et les désordres de la guerre. Et ils vivaient sans avoir besoin d'autre chose ; la mer et ses épreuves restaient loin de leur pensée, les navires n'apportaient pas encore de vivres des pays lointains ; les bœufs, les charrues, et elle-même, Justice, maîtresse des peuples, dispensatrice des biens légitimes, leur procuraient tout en abondance. (v. 114) Elle était là tant que la terre continua à nourrir la race d'or, mais celle d'argent, elle ne la fréquentait que peu et mal volontiers, car elle regrettait les mœurs des anciens peuples. Cependant, même sous la race d'argent, elle était encore là. Elle descendait le soir des montagnes bruissantes et elle restait à l'écart, sans s'approcher de personne pour lui parler aimablement. Mais quand elle avait rempli d'êtres humains de vastes collines, alors elle les menaçait et leur reprochait leur perversité. Elle ne viendrait plus, disait-elle, se montrer à leurs yeux quand ils l'appelleraient : «Quelle descendance vos pères d'or ont-ils laissée derrière eux, combien dégénérée ! Et vous mettrez au monde des enfants pire encore ! Alors il y aura des guerres, il y aura des meurtres abominables chez les humains, et une peine cruelle s'appesantira sur eux». Ayant ainsi parlé, elle regagnait les montagnes, et laissait là les gens qui la cherchaient encore tous des yeux. Mais quand ceux-là moururent à leur tour, et qu'apparurent les hommes de la race d'airain, plus affreux que les précédents, qui les premiers forgèrent le couteau criminel des grands chemins, et les premiers aussi dévorèrent la chair des bœufs laboureurs, alors Justice prit cette race en haine, s'envola vers le ciel, et s'établit dans la région où elle apparaît encore la nuit aux humains sous la forme de la Vierge, auprès de l'éclatant Bouvier.

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Aratos reprend ici le thème hésiodique des races qu'il associe à un autre thème hésiodique, celui de la Justice. Justice quitte les hommes pour aller au ciel après avoir expérimenté auprès des hommes l'horreur de leurs crimes, dans une succession décadente de génération en génération. Chaque race est issue de la précédente; le déclin est progressif et est souligné par l'éloignement progressif de Justice.

Rédacteur du commentaire

C. Cusset

Bibliographie

Jean Martin, Aratos, Phénomènes, Paris, 1998. D. Kidd, Arati Phaenomena, Cambridge, 1997. J.-P. Vernant, «Le mythe hésiodique des races : essai d'analyse structurale», RHR 1960, p. 21-54. Ch. Fakas, Der hellenistische Hesiod, Wiesbaden, 2001, p. 149-175.

Indexation

Thèmes(s):

Mythe des races

Personnages(s):

Astrée; Vierge; Diké (Justice)

Mot(s)-clé(s) :

humanité

Commentaire iconographique 1

Commentaire

F.-H. Massa-Pairault reconnaît dans le personnage féminin à l'angle N-NE de la frise de Télèphe au Grand Autel de Pergame la personnification de plusieurs concepts : celui de l'Hestia de Télèphe en Arcadie, celui de Parthénos qui se réfère aux lieux (le Parthénion sur lequel elle est assise) et répond à Augé, la Parthénos humiliée. Cette Hestia, Parthénos par excellence, est aussi Diké. Elle est aussi une traduction de la Parthénos astrale du zodiaque (voir LIMC s.v. "Arkadia" n°2; "Telephos" n°1; F.-H. Massa Pairault, Ostraka 7, 1998, p. 105-110 ; eadem, "L'interprétation des frises du Grand Autel de Pergame" dans Images et modernité hellénistiques. Appropriation et représentation du monde d'Alexandre à César, 2007, p. 206-211).

Elle identifie également la Parthénos dans la frise sud de la Gigantomachie, sous la forme d'une femme ailée, non loin du Boôtes, non loin non plus du Géant léontocéphale qui évoque la constellation du lion (F.-H. Massa Pairault, La gigantomachie de Pergame ou l'image du monde, 2007, p. 79-80).

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Commentaire iconographique 2

Commentaire

Sur le globe de l'Atlas Farnèse est figurée la Parthénos zodiacale, sous la forme d'une femme ailée, debout sous le lion (Naples, Mus. Naz. 6374 (308); vers 150 ap. J.-C.; Massa-Pairault, Gigantomachie de Pergame pl. XLVb; voir aussi pl. XLIVa : cod. Casin. 3 p. 180 ; G. Sauron, Les décors privés des Romains, 2009, p. 181, fig. 168). Sur une peinture murale d'Herculanum (Naples Mus. Nat. 9008 ; époque de Vespasien) une femme ailée désigne Télèphe allaité par une biche, peut-être Virgo (LIMC s.v. "Zodiacus" n° 21).

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N. Icard

Commentaire iconographique 3

Commentaire

Un rapprochement peut être fait avec l'iconographie de Virgo Caelestis, proche de Tanit, assimilée à Junon. Elle est souvent associée au lion et au croissant de lune : voir par ex. une statuette fragmentaire en terre cuite (Nabeul Mus. I 245, Ier s. ap. J.-C. LIMC VIII s.v. "Virgo Caelestis" n°1; "Tanit" n° 6. Une inscription latine permet d'identifier Tanit-Caelestis) ou un fragment de tympan de marbre (Rome, Mus. Cap. Milieu du Ier s. ap. J.-C. LIMC s.v. "Iuno Caelestis" n° 162) qui évoque la "vierge qui parcourt le ciel, portée par un lion" mentionnée par Apulée (Métamorphoses VI, 4).

Auteur du commentaire iconographique

N. Icard

Comment citer cette notice

Texte n°793 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait793/. Première version : 17/06/10. Date de mise à jour : 30/10/12

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