> Extrait

Dioscoride, Épigrammes, 23.

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Sources

Anthologie Palatine VII, 707

Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Précisions : seconde moitié du IIIe siècle avant J.-C. (?)

Texte (version originale)

Κἠγὼ Σωσιθέου κομέω νέκυν, ὅσσον ἐν ἄστει

       ἄλλος ἀπ' αὐθαίμων ἡμετέρων Σοφοκλῆν,

Σκιρτὸς ὁ πυρρογένειος. ἐκισσοφόρησε γὰρ ὡνήρ

       ἄξια Φλιασίων, ναὶ μὰ χορούς, Σατύρων

κἠμὲ τὸν ἐν καινοῖς τεθραμμένον ἤθεσιν ἤδη

       ἤγαγεν εἰς μνήμην πατρίδ' ἀναρχαΐσας,

καὶ πάλιν εἰσώρμησα τὸν ἄρσενα Δωρίδι Μούσῃ

       ῥυθμόν, πρός τ' αὐδὴν ἑλκόμενος μεγάλην

† ἑπτά δέ μοι θύρσων τύπος οὐχερὶ † καινοτομηθείς

       τῇ φιλοκινδύνῳ φροντίδι Σωσιθέου.

Traduction

Moi aussi, Bondissant le roux-poil, je suis le serviteur du corps de Sosithéos, tout comme, dans la cité, un autre membre de ma famille garde Sophocle. En effet, j’en jure par la danse: cet homme a brandi le thyrse à la manière des anciens satyres. Restaurateur des anciennes pratiques, il me reconduisit, moi qui avais déjà été élevé suivant les méthodes récentes, vers la tradition paternelle. Je réintroduisais même moi-même le rythme mâle dans la production de la muse dorienne et je l’entraînais vers un grand chant (...). C’est ainsi qu’une nouvelle veine fut ouverte par Sosithéos.

Source de la traduction

traduction É. Prioux

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Ce texte répond à l'épigramme 22 G.-P. de Dioscoride sur le Satyre qui était censé orner le tombeau de Sophocle. Ici, Dioscoride crée une nouvelle allégorie permettant d'évoquer le style et l'œuvre d'un auteur, en l'occurrence Sosithéos, actif durant la première moitié du IIIe siècle avant J.-C. et qui composa des drames satyriques. Le couple d'épigrammes 22/23 G.-P. joue sur une opposition entre ville et campagne, entre raffinement urbain et retour archaïsant vers les origines d'un genre. Avec son épigramme sur Sosithéos, Dioscoride laisse clairement percevoir un parti pris esthétique qui privilégie une forme de création archaïsante.

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Bibliographie

E. Dettori, «Appunti sul nome Σκίρτος», SemRom, n. s. III 1, 2014, p. 39-52.

Indexation

Personnages(s):

Skirtos (satyre)

Ethnique(s):

Dorien

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Quelques documents iconographiques de dates et d'origines diverses mettent en scène un satyre nommé Skirtos. Il me semble que l'un de ces documents - en dépit de l'écart chronologique - peut être mis en relation avec cette épigramme de Dioscoride et l'épigramme 22 G.-P. qui lui fait pendant. Il s'agit d'un cratère sicilien de Lipari (Mus. Arch. Eoliano 9341) daté par Trendall (LCS Suppl. 3, 275, 46f) vers le milieu du IVe s. av. J.-C. Trendall a reconnu sur l'une des faces du vase une scène inspirée par les Trachiniennes de Sophocle (contra: Taplin, Pots and Plays, 90). L'autre face montre trois personnages : une femme nommée THALIA qui joue de l'aulos, un Papposilène nommé SIMOS qui exécute devant elle un pas de danse et, leur tournant le dos, un Satyre, nommé SK.RTOS, qui s'éloigne, le thyrse sur l'épaule. [cette notice sera complétée]

Auteur du commentaire iconographique

P. Linant de Bellefonds

Commentaire iconographique 2

Commentaire

Le souvenir des épigrammes 22 et 23 G.-P. de Dioscoride est peut-être présent dans une inscription métrique de la deuxième moitié du IIIe siècle (donc sensiblement contemporaine de Dioscoride). Une relation d'intertextualité n'est pas démontrable mais les deux textes ne sont pas sans liens car ils insistent tous deux sur le lien étroit entre Skirtos et Pratinas et s'intéressent à une représentation figurée. L'inscription figure sur la base d'une statue en bronze aujourd'hui perdue et qui était l'œuvre de Thoinias de Sicyone (sur cette base retrouvée à Pergame, voir H. Müller, « Ein neues hellenistiches Weihepigramm aus Pergamon », Chiron, 19, 1989, p. 499-553):

παῖς ὁ Δεινοκράτους με σοί, Θυώνης

κοῦρε, καὶ βασιλῆι τὸν φίλοινον

Ἀττάλωι Διονυσόδωρος εἷσεν

Σκίρτον οὐΞικυῶνος — ἁ δὲ τέχνα

Θοινίου, τὸ δὲ λῆμμα πρατίνειον —·

μέλοι δ’ ἀμφοτέροισιν ὁ ἀναθείς [με].

«Le fils de Deinocratès, Dionysodôros de Sicyone, m’a érigé, moi Skirtos qui aime le vin, à toi, enfant de Thyone, et au roi Attale — l’art est de Thoinias, le sujet de Pratinas —. Puisse celui qui m’a consacré être l’objet de l’attention de tous deux.» (trad. E. Santin).

L'association étroite entre le Satyre Skirtos et la figure de Pratinas de Phlionte, l'inventeur du drame satyrique, suggère que la figure de Skirtos permet, dans l'épigramme 22 G.-P. de Dioscoride, de symboliser le rôle de "restaurateur des anciennes pratiques" qui est celui de Sosithéos: il ramène à la vie Skirtos, le Satyre de Pratinas.

Le monument qui porte cette épigramme a été offert par Dionysodôros de Sicyone, fils de Deinokrates à Dionysos et au roi Attale Ier; la date de l’offrande est débattue, on hésite entre 221 et, au plus tard, 197 av. J.-C.

Le dédicant est connu par Polybe, Histoires, XVI, 2, 3-11 : avec son frère Deinocratès, Dionysodôros avait été amiral de la flotte d’Attale Ier pendant la bataille de Chios contre Philippe V de Macédoine en 201 av. J.-C. En 198, il avait participé en tant que surintendant d’Attale aux négociations de Nikaia sur le golfe Maliaque entre T. Quintius Flamininus et Philippe V (voir Polybe, Histoires, XVIII, 2, 2 et Tite Live, 32, 33, 5).

D’après les données biographiques de Thoinias et la forme des caractères de l’inscription, Müller date le monument vers les années 230-220.

P. Moreno (Scultura ellenistica I, Rome, 1994, p. 292-296) considère comme une réplique à la même échelle de l’archétype de Thoinias le Satyre dansant en marbre d’Anticythère, (Moreno, fig. 362-363, 365), exposé au Musée National d’Athènes ; il nous informe du fait qu’une autre réplique en mauvais état de conservation faisant partie du trésor de l’épave d’Anticythère se trouve dans les réserves du Musée d’Athènes. L’archéologue fait remarquer que les deux mortaises d’implantation visibles sur la base de Pergame sont parfaitement adaptées à la position de la statue, oblique par rapport à la face frontale qui porte l’inscription, au mouvement (pied gauche par terre et pied droit qui avance), à la taille et à la distance entre les pieds du Skirtos d’Anticythère. Une œuvre telle que le satire de la maison du Faune à Pompéi dériverait de cet archétype.

Auteur du commentaire iconographique

E. Santin et É. Prioux

Comment citer cette notice

Texte n°733 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait733/. Première version : 23/05/10. Date de mise à jour : 23/06/16

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