> Extrait

Théocrite, Idylle 6, 25-41 Cusset.

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Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Texte (version originale)

ἀλλὰ καὶ αὐτὸς ἐγὼ κνίζων πάλιν οὐ ποθόρημι,

ἀλλ᾽ἄλλαν τινὰ φαμὶ γυναῖκ᾽ ἔχεν· ἃ δ᾽ ἀίοισα

ζαλοῖ μ᾽, ὦ Παιάν, καὶ τάκεται, ἐκ δὲ θαλάσσας

οἰστρεῖ παπταίνοισα ποτ᾽ ἄντρα τε καὶ ποτὶ ποίμνας.

Σίξα δ᾽ὑλακτεῖν νιν καὶ τᾷ κυνί· καὶ γὰρ ὅκ᾽ ἤρων,

αὐτᾶς ἐκνυζεῖτο ποτ᾽ ἰσχία ῥύγχος ἔχοισα.

Ταῦτα δ᾽ ἴσως ἐσορεῦσα ποεῦντά με πολλάκι πεμψεῖ

ἄγγελον. Αὐτὰρ ἐγὼ κλᾳξῶ θύρας, ἔστε κ᾽ ὀμόσσῃ

αὐτά μοι στορεσεῖν καλὰ δέμνια τᾶσδ᾽ ἐπὶ νάσω·

καὶ γάρ θην οὐδ᾽ εἶδος ἔχω κακὸν ὥς με λέγοντι.

Ἦ γὰρ πρᾶν ἐς πόντον ἐσέβλεπον, ἦς δὲ γαλάνα,

καὶ καλὰ μὲν τὰ γένεια, καλὰ δέ μοι ἁ μία κώρα,

ὡς παρ᾽ ἐμὶν κέκριται, κατεφαίνετο, τῶν δέ τ᾽ ὀδόντων

λευκοτέραν αὐγὰν Παρίας ὑπέφαινε λίθοιο.

Ὡς μὴ βασκανθῶ δέ, τρὶς εἰς ἐμὸν ἔπτυσα κόλπον·

ταῦτα γὰρ ἁ γραία με Κοτυτταρὶς ἐξεδίδαξε

ἃ πρᾶν ἀμάντεσσι παρ᾽ Ἱπποκίωνι ποταύλει.

Traduction

Mais, moi aussi, à mon tour, pour la piquer, je ne la regarde pas et je prétends que j'ai une autre femme ; et elle, elle l'entend, elle est jalouse de moi, ô Paian, et se consume ; puis hors de la mer, elle sort furieuse et jette des coups d'œil vers mon antre et mes troupeaux. J'ai aussi excité en sifflant ma chienne à aboyer contre elle. Et en effet, quand j’étais amoureux, elle poussait de légers jappements en avançant son museau vers ses hanches. En me voyant agir souvent ainsi, elle m'enverra peut-être un messager ; mais moi, je fermerai ma porte jusqu'à ce qu'elle jure de me dresser elle-même un beau lit sur cette île. Après tout, je n'ai pas une aussi laide figure qu’on le raconte. Tiens, dernièrement, je regardais dans la mer - le temps était au calme - et ma barbe m'a paru belle et belle aussi mon unique pupille, à mon jugement ; quant à mes dents, [l'eau] en donnait un reflet plus blanc que le marbre de Paros. Pour ne pas être ensorcelé, par trois fois je crachais dans mon sein, comme me l'a enseigné la vieille Cottytaris qui dernièrement jouait de la flûte aux moissonneurs chez Hippokion.

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Le Cyclope essaie de rendre Galatée jalouse pour la faire venir dans son île. Il ne se trouve pas si laid qu'on le dit.

La scène du Cyclope se mirant dans l'eau et séduit par son propre reflet semble présupposer la connaissance du mythe de Narcisse qui se trouve ici parodié de manière grotesque. Dans les Métamorphoses, Ovide ne manquera pas de souligner le rapport entre les deux personnages en tissant des liens textuels entre le monologue du Cyclope, imité d'après ce même passage de Théocrite (M. XIII, 840-841: ego me noui), et la prophétie de Tirésias concernant le destin de Narcisse (M. III, 348: si se non nouerit). Pour ce rapport entre les deux passages ovidiens, voir F. Bömer, P. Ovidius Naso - Metamorphosen. Buch XII-XIII, Heidelberg, 1982, p. 437.

Rédacteur du commentaire

C. Cusset et É. Prioux

Bibliographie

C. Cusset, Cyclopodie, Lyon, 2011.

Indexation

Toponyme(s):

Sicile; Paros

Mot(s)-clé(s) :

œil; dent; porte; reflet

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Sur les représentations les plus nombreuses du thème, Galatée vogue sur les flots, transportée par un animal marin.

Pour un commentaire sur cette série d'images et sur l'expression du jeu de séduction entre les protagonistes, en particulier l'orientation du regard du Cyclope et l'attitude de Galatée : voir CALLYTHEA n°862 (Théocrite, Idylle 6, 6-19).

Une peinture d'Herculanum (LIMC Galateia n°20, Polyphemos I n°60 : Naples, Mus. Naz. 8983), au contraire, montrerait la Néréide hors de l'eau, debout près du Cyclope, là où il garde son troupeau : une femme désigne l'amoureux, tranquillement assis dans le paysage, à une jeune femme qu'il ne regarde pas (comme dans l’Idylle), son regard étant levé au ciel.

L'identification de la jeune femme avec Galatée, qui a été proposée, pourrait en partie reposer sur un rapprochement entre la feuille - peut-être un éventail - qu'elle tient et, d’une part celle qu’elle a sur une peinture de Pompéi VII, 4, 51 (Mus. Naz. de Naples 8886 : LIMC Galateia n°9 avec ill.) et une mosaïque de Thysdrus (El Jem, Mus. Arch. F17 : LIMC Galateia n°25 avec ill. ; LIMCicon 1975), d’autre part celle tenue par des Néréides (par exemple des mosaïques d'Ostie ou de Rome : LIMC Nereides n°64, n°164, n°441, avec ill.). La plante, considérée alors comme aquatique, rappellerait l'identité de la déesse et le contexte marin. Cette interprétation de l'image reste toutefois hypothétique et l'ambiance paisible de la scène ne reflète ni la tension de la passion amoureuse ni la jalousie évoquées dans le texte.

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/1975

Auteur du commentaire iconographique

A.-V. Szabados

Commentaire iconographique 2

Commentaire

Une série de peintures de Pompéi et d'Herculanum montrent le messager, un petit Amour qui apporte le message à Polyphème, et non à la Néréide. Dans ces images, et contrairement au texte, le Cyclope le reçoit (LIMC Galateia n°43-47, Polyphemos I n°62-64). Ces versions sont en contradiction avec celle selon laquelle Galatée reste insensible aux sentiments du Cyclope.

- Voir également une peinture d'Herculanum, conservée au Musée National de Naples (inv. 8984) : Polyphème tend la main vers le message (LIMC Galateia n°46, Polyphemos I n°64 : LIMCicon 14459).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14459

Auteur du commentaire iconographique

A.-V. Szabados

Commentaire iconographique 3

Commentaire

La fin de l’extrait évoque Polyphème admirant son reflet dans la mer. Sur une peinture de la Maison de Livie, sur le Palatin à Rome, le Cyclope est immergé, sa tête légèrement penchée sur les flots, avec un Amour juché sur ses épaules et semblant le mener par des rênes. D’après les reproductions, peut-être plus ou moins fidèles à l’original et qui permettent de connaître cette peinture presque détruite, Polyphème paraît toutefois regarder Galatée plutôt qu'il ne se mire dans l'eau. De plus, il est restitué imberbe, contrairement au texte et à la plupart de ses représentations (LIMC Galateia n°8, Polyphemos I n°54). Cette peinture peut aussi être rapprochée de l’Idylle 11 de Théocrite, dans laquelle le Cyclope songe à apprendre à nager, (cf. LIMC Galateia, commentaire p. 1004) et de Posidippe de Pella (Épigrammes 19) qui l'évoque suivant la Néréide dans l’eau.

Il semble qu’aucune autre peinture murale représentant la légende de Polyphème et Galatée ne suive cette composition. Les autres peintures, postérieures, figurent le Cyclope sur la rive, dans un paysage montagneux, généralement entouré de son troupeau (voir CALLYTHEA n°862 : Théocrite, Idylle 6, 6-19).

Objet(s) et image(s)

http://www.limc-france.fr/objet/14320

Auteur du commentaire iconographique

A.-V. Szabados

Commentaire iconographique 4

Commentaire

Dans le cryptoportique de la maison dite de Properce à Assise, une peinture représentant Polyphème et Galatée servait de pendant à une peinture représentant Narcisse. Un rapport était ainsi établi entre Polyphème et Narcisse, ce qui est d'autant plus intéressant que les deux peintures étaient accompagnées de distiques élégiaques grecs. Le distique inscrit sous le tableau avec Polyphème et Galatée imite en particulier Théocrite, Idylle, VI, 6-7. Sur ces peintures, voir É. Prioux, Petits musées en vers, Paris, 2008, chap. I,3.

Auteur du commentaire iconographique

É. Prioux

Comment citer cette notice

Texte n°30472 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait30472/. Première version : 20/12/10. Date de mise à jour : 03/10/12

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