> Extrait

Lycophron, Alexandra, 501-505.

<< < / > >>

Date du texte cité

IIIe siècle av. J.-C.

Précisions : (datation incertaine)

Texte (version originale)

ὅταν τεκόντος αἰχμαλώτος ἐς χέρας

ἡ πατρομήτωρ τὸν δνόφῳ τεθραμμένον

βάλῃ νεογνὸν σκύμνον. Ἧι μόνῃ ζυγὸν

δούλειον ἀμφήρεισαν Ἀκταίων λύκοι

τῆς ἁρπαγείσης ἀντίποινα θυιάδος,

Traduction

quand dans les mains de son géniteur, captive du fer, la mère du père jettera le lionceau nouveau-né élevé dans l’obscurité - sur elle seule un joug esclave fut posé par ceux qui pour les Actéens étaient des loups, en paiement de la Thyiade enlevée,

Source de la traduction

traduction Chauvin/Cusset modifiée

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Ce passage s'intéresse à Aithra, grand-mère paternelle (πατρομήτωρ) d'Acamas, fils de Thésée, et arrière grand-mère de Mounitos, le «lionceau nouveau-né». Aithra fait partie des figures qui, dans le récit de Lycophron, permettent de relier le passé au futur et de souligner les éléments de continuité qui lient deux époques. Son sort est directement lié à la vengeance des deux rapts d'Hélène: mère de Thésée, elle est enlevée par les Dioscures en représailles après le premier rapt d'Hélène (Lycophron souligne qu'Aithra est la seule rançon prise par les Dioscures, «loups pour les Actéens» [= loups pour les habitants de l'Attique] lorsque ceux-ci se vengèrent de l'enlèvement d'Hélène [la «Thyiade»] par Thésée, ce qui différencie sans doute la modération relative des Dioscures de la vengeance disproportionnée que représente la guerre de Troie, guerre vengeant un nouveau rapt d'Hélène). Conduite à Troie avec Hélène, Aithra sera libérée par Acamas, fils de Thésée, lors de l'Ilioupersis.

Lycophron, qui l'insère dans une scène pathétique, nous la montre tendant son arrière petit-fils, Mounitos, à son petit fils Acamas au moment de la ruine de Troie. Lycophron se réfère ainsi à une tradition qui voudrait qu'Acamas soit venu une première fois en Troade avant la guerre et se soit uni à Laodicè, sœur de Cassandre (v. 316-322 et 495); après le départ d'Acamas, celle-ci aurait mis au monde Mounitos, un enfant élevé en cachette en raison de ses origines grecques et qu'Aithra aurait rendu à son père durant le sac de Troie.

Lycophron renforce le pathos de la scène en faisant de Mounitos un « nouveau-né » (νεογνὸν σκύμνον), expression qui, si l'on s'en tient à l'enchaînement temporel des événements mythologiques, doit s'expliquer par un effet de focalisation centré sur le père de l'enfant, Acamas, qui voit son fils pour la première fois lors du sac de Troie (à moins que Cassandre ne veuille dire, comme au sujet de Troïlos, que Mounitos est encore un très jeune enfant au moment où elle délivre sa prophétie ?). Une autre possibilité consisterait à penser que Mounitos était effectivement un nouveau-né à la fin du conflit troyen, et que sa conception remonterait à l'arrivée tardive d'Acamas et Démophon à Troie. Quoi qu'il en soit, le choix d'une telle image renforce le tragique de la scène et incite le lecteur à visualiser une scène impliquant un nouveau né.

Lycophron utilise un procédé similaire au sujet de Troïlos : dans sa prophétie, Cassandre se lamente sur le destin de son plus jeune frère, Troïlos, qu'elle qualifie de « lionceau-rameau de lait », comme si celui-ci était toujours allaité par Hécube (v. 307-313) au moment où elle délivre sa prophétie, ce qui est peut-être envisageable, ou encore au moment de sa mort, ce qui entrerait en contradiction avec sa présentation comme « guerrier monté à cheval » chez Homère (Iliade, XXIV, 257).

Dans ce passage, Lycophron fait en outre allusion à une tradition également reprise par Euphorion et qui voulait que Mounitos soit ensuite mort en Thrace où il aurait été piqué par un serpent. Même si nous ne savons rien des aventures ultérieures de Mounitos, il est intéressant de voir ce premier exemple d'une sungeneia entre Grecs et Troyens s'établir en Thrace, autrement dit dans une terre de confins entre Europe et Asie.

Hellanicos, FrGrHist 4F21a Jacoby évoquait lui aussi la libération d'Aithra ; chez Hellanicos, Hélène la rendait à Acamas et Démophon, les deux fils de Thésée. Lycophron se focalise ici sur l'un des deux fils, a priori Acamas (même si certaines versions font de Mounitos le fils de Démophon: voir Harding P., The Story of Athens. The Fragments of the Local Chronicles of Attika, Abingdon and New York, 2007, p. 75).

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Indexation

Ethnique(s):

Actéen

Mot(s)-clé(s) :

esclave; enlèvement; rapt

Commentaire iconographique 1

Commentaire

Implicitement mentionnée ici par Lycophron, la libération d’Aithra par Acamas lors de la prise de Troie fait généralement intervenir, dans les arts figurés, ses deux petits-fils, non seulement Acamas mais aussi Démophon. Un seul artiste semble avoir dérogé à cette règle, le peintre de Darius : dans son Ilioupersis peinte vers 340-330 av. J.-C. sur un cratère à volutes (LIMC Suppl.2009, s.v. « Ilioupersis » n° add.1   ), c’est Acamas seul qui porte secours à sa grand-mère. Pour autant, aucune allusion n’est faite à Mounitos qui n’est jamais présent dans cet épisode.

Auteur du commentaire iconographique

P. Linant de Bellefonds

Comment citer cette notice

Texte n°261 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait261/. Première version : 08/01/10. Date de mise à jour : 15/10/14

Mentions légales | Colophon | Contacts | Haut de page