> Extrait

Addaios, Épigrammes, 9 Gow-Page.

<< < / > >>

Sources

Anthologie palatine, IX, 544

Date du texte cité

3e quart du Ier siècle av. J.-C.

Précisions : Cette datation approximative résulte de l'idée selon laquelle l'Addaios qui écrivit cette épigramme était un auteur de la Couronne de Philippe qui inclut des auteurs compris entre Philodème de Gadara (première moitié du Ier siècle av. J.-C.) et Philippe de Thessalonique lui-même (milieu du Ier siècle ap. J.-C.). La datation repose en outre sur le terminus post quem que constitue la gravure de la gemme par Tryphon.

Texte (version originale)

Ἰνδὴν βήρυλλόν με Τρύφων ἀνέπεισε Γαλήνην

   εἶναι, καὶ μαλακαῖς χερσὶν ἀνῆκε κόμας·

ἠνίδε καὶ χείλη νοτερὴν λειοῦντα θάλασσαν,

   καὶ μαστούς, τοῖσιν θέλγω ἀνηνεμίην.

ἢν δέ μοι ἡ φθονερὴ νεύσῃ λίθος, ὡς ἐν ἑτοιμῳ

   ὥρμημαι, γνώσῃ καὶ τάχα νηχομένην.

Traduction

Tryphon m'a convaincu, moi, un béryl indien, d'être Galénè, et de ses mains délicates il a laissé flotter mes cheveux. Voici mes lèvres qui lissent la mer agitée par le Notos, voici mes seins grâce auxquels je fais disparaître les vents comme par enchantement. Si la pierre jalouse y consentait, tu me verrais bien vite nager, car je m'y tiens prête par mon élan.

Source de la traduction

traduction É. Prioux

Paraphrase/Commentaire sur le texte

Galénè est la personnification de la mer calme. λειοῦντα est une conjecture de Jacobs; les manuscrits portent la leçon πλείοντα qui ne donne pas un sens satisfaisant.

Cette épigramme a été transmise sous le nom d'Addaios par l'Anthologie palatine. Plusieurs épigrammes de l'Anthologie sont assignées par leurs lemmes à Addaios de Macédoine, à Addaios de Mytilène, ou encore à Adaios ou Addaios sans plus de précision (comme c'est le cas ici). A. S. F. Gow et D. Page ont rassemblé ces différentes épigrammes dans leur volume relatif à la Couronne de Philippe. Il n'y a pas de raison de considérer qu'AP VII, 305, seule épigramme explicitement attribuée à Addaios de Mitylène, ne serait pas l'œuvre de l'Addaios de Mitylène actif dans la 2e moitié du IIIe siècle et qui nous est connu, grâce à Athénée qui l'évoque en plusieurs passages, pour être l'auteur d'un Traité sur les sculpteurs (Περὶ ἀγαλματοποιῶν) ainsi que d'un traité (témoignant de son activité dans le domaine de la critique littéraire?) intitulé Περὶ διαθέσεως (Sur la composition). Ce critique d'art et critique littéraire est en effet, avec l'historien de l'art Antigone (de Caryste?) la cible d'un traité de Polémon d'Ilion (Contre Adaios et Antigonos connu et cité par Athénée et qui portait peut-être sur les œuvres aux attributions contestées et sur les cas d'homonymie entre artistes: voir T. Dorandi, Antigone de Caryste - Fragments, Paris, 1999, CUF, introduction). Cet Adaios de Mytilène n'entre donc pas dans le cadre chronologique de la Couronne de Philippe contrairement à Addaios de Macédoine, un auteur que Philippe ne nomme pas explicitement dans sa préface. Pour tentant qu'il soit d'assigner l'épigramme descriptive sur le béryl gravé par Tryphon à Adaios de Mitylène, un auteur que l'on sait par ailleurs historien de l'art, cette attribution est impossible en raison de plusieurs facteurs: tout d'abord, l'épigramme sur Galénè (AP IX, 544) est insérée dans ce qui semble être une série alphabétique extraite de la couronne de Philippe avec des épigrammes dont les initiales sont disposées dans l'ordre alphabétique et qui court d'AP IX, 541 à AP IX, 562 (le poème IX, 547 est le seul intrus dans cette série alphabétique). On peut donc postuler que l'Adaios auteur de cette épigramme est bien un auteur de la Couronne de Philippe

Une signature de Tryphon permet vraisemblablement de préciser un peu le cadre chronologique dans lequel évoluait cet auteur et le type d'objet auquel il pouvait se référer.

Un camée conservé au Museum of fine Arts de Boston (accession number 99.101 "Malborough gem") et qui représente les noces d'Éros et de Psychè porte en effet l'inscription ΤΡΥΦΩΝ ΕΠΟΙΕΙ (d'autres gemmes portent la signature de Tryphon, mais il s'agit a priori de faux modernes inspirés par l'exemple illustre du camée que nous venons de citer). Quant à l'inscription du camée Malborough, son authenticité a été mise en doute par les Modernes (in primis, Ludolf Stephani, Über einige angebliche Steinschneider des Altherthums, p. 4), Saint-Pétersbourg, 1851) qui ont voulu y voir l'œuvre d'un faussaire moderne, peut-être Pirro Ligorio lui-même, qui se serait inspiré de l'épigramme de l'Anthologie. Cette idée a été largement suivie dans les études de la 2e moitié du XIXe siècle et de la 1ère moitié du XXe siècle, mais M. L. Vollenweider (Die Schneidekunst und ihre Künstler in spätrepublikanischer und augusteischer Zeit, Baden-Baden, 1966, p. 36-37) et tout récemment J. Boardman (The Marlborough Gems: Formerly at Blenheim Palace, Oxfordshire, Oxford, 2009, cat. n° 1) réhabilitent la signature de Tryphon comme n'étant pas sans parallèles (notamment pour la graphie) sur des gemmes datant de la même période. M.E. Micheli a de plus apporté un élément décisif en montrant que l'inscription étant déjà mentionnée dans une lettre de 1572 de Costanzo Felici à Ulisse Aldrovandi qui fait état de la découverte de ce camée à Sentinum (M. E. Micheli, «Tryphon a Sentinum?», dans M. Medri (éd.), Sentinum 295 a.C. Sassoferrato 2006. 2003 anni dopo la battaglia. Una città romana tra storia e archeologia (Studia archaelogica 163, Sentinum III), Rome, 2008, p. 127-139 et tav. XXIX-XXXIII).

Malgré ces différentes avancées, l'idée de Stephani qui postulait une falsification inspirée de l'Anthologie n'a, à ma connaissance, jamais été réfutée sur des critères d'histoire littéraire; or, cette réfutation est aisée, puisque la séquence d'événements qu'il suppose est impossible. En effet, l'épigramme d'Adaios figure dans l'Anthologie palatine (dont la première édition, partielle, est due à Reiske en 1754 - le manuscrit n'ayant, auparavant, été utilisé que de manière assez confidentielle: Marcus Musurus semble l'avoir eu entre les mains à la Renaissance, puis le contenu du manuscrit redécouvert par Saumaise ne fait l'objet que d'une connaissance partielle et relativement restreinte au XVIIe avant la réalisation d'une édition au XVIIIe siècle) et non dans l'Anthologie de Planude, seule anthologie dont les épigrammes étaient largement connues et diffusées à l'époque de Pirro Ligorio. Les modernes n'ont donc pas pu "inventer" la signature de Tryphon dont ils ignoraient vraisemblablement jusqu'au nom avant la découverte du camée Malborough.

Les travaux de M.L. Vollenweider puis de M.E. Micheli (supra cit.) conduisent à rattacher la personnalité de Tryphon à celle d'un autre graveur du milieu du Ier siècle av. J.-C. : Sostratos, dont les liens avec Marc Antoine, semblent avérés. Supposant, pour Tryphon, un contexte de formation alexandrin, M. E. Micheli propose ainsi de rattacher le camée Marlborough aux noces de Marc Antoine et de Fulvie.

Il est vraisemblable qu'Addaios ait composé son épigramme alors que Tryphon était encore bien connu, peut-être dans le 3e quart du Ier siècle av. J.-C.

Rédacteur du commentaire

É. Prioux

Indexation

Personnages(s):

Galénè

Ethnique(s):

Indien

Mot(s)-clé(s) :

béryl; mer

Commentaire iconographique 1

Commentaire

A. Furtwängler (Die antiken Gemmen. 3 Bände, Berlin: Giesecke - Devrient, 1900, I, pl. XXXV, 13) a proposé de reconnaître la figure décrite dans l'épigramme d'Addaios dans une série d'intailles de la fin de l'époque hellénistique: D. Plantzos, Hellenistic engraved gems, Oxford, 1999, cat. n° 475-510 et p. 89-90. Le peu de variations présentes entre les différents exemplaires laisse supposer l'existence d'un archétype commun, probablement assez illustre mais qui ne nous est pas parvenu. Comme l'ont souligné J. Boardman (Engraved gems: the Ionides collection, Northwestern University Press, 1968, p. 32) puis à nouveau D. Plantzos (cit., p. 89), les gemmes identifiées depuis Furtwängler avec le personnage de Galene ne s'accordent pas véritablement avec la description d'Addaios: hormis le détail de la chevelure qui est en effet bien mise en valeur, les lèvres ne font pas l'objet d'un traitement particulier et la poitrine n'apparaît guère. Une figure tout à fait comparable à celle des gemmes apparaît sur des deniers de Q. Crepereius Rocus datant de 72 av. J.-C. (dans les études du type monétaire, la figure est cependant identifiée comme une Amphitrite en raison de son association avec Neptune qui est présent au revers : E.A. Sydenham, The Coinage of the Roman Republic, Londres, 1952, cat. no. 796). Le type existe donc déjà dans les années 70 av. J.-C. M.L. Vollenweider qui situe l'activité de Tryphon vers le milieu du Ier siècle av. J.-C. propose de rattacher, sur la base de rapprochements stylistiques, la Galénè supposée de la série de gemmes tardo-hellénistiques à l'activité d'un tailleur de gemmes connu sous le nom de Skopas (M. L. Vollenweider, Die Schneidekunst und ihre Künstler in spätrepublikanischer und augusteischer Zeit, Baden-Baden, 1966, p. 11 et 26).

Auteur du commentaire iconographique

É. Prioux

Comment citer cette notice

Texte n°252231 dans CALLYTHEA [En ligne]; http://www.cn-telma.fr/callythea/extrait252231/. Première version : 06/05/12. Date de mise à jour : 14/03/13

Mentions légales | Colophon | Contacts | Haut de page