Εἰ ἔτυμον, Τροίηθέ γ' ἰοῦσ' ἐχαλέψατο φύλοις

Αἰνελένη, ὅτε νῆα πολύστροιβον παρὰ Νεῖλον

ἔστησαν βορέαο κακὴν προφυγόντες ὀμοκλήν,

ἦμος ἀποψύχοντα κυβερνητῆρα Κάνωβον

Θώνιος ἐν ψαμάτοις ἀθρήσατο· τύψε γὰρ εὐνῇ

αὐχέν' ἀποθλιφθεῖσα καὶ ἐν βαρὺν ἢρυγεν ἰόν

αἱμοροῒς θήλεια, κακὸν δέ οἱ ἔχραε κοῖτον.

Si cela est vrai, au retour de Troie, la funeste Hélène s’irrita contre ces espèces, lorsque, fuyant le méchant grondement du vent du nord, ils arrêtèrent leur navire au bord du Nil aux tourbillons abondants, au moment où elle vit rendre l’âme le pilote Canopos, au milieu des sables de Thônis. Car tandis qu’il était allongé sur sa couche, elle le frappa au cou, la femelle haimorhois, et après avoir distillé son lourd venin elle le cracha en lui et c’est un funeste sommeil qu’elle lui a accordé.

La mort de Canopos, pilote de Ménélas, mordu par un serpent en marge de l’escale égyptienne auprès de Thonis, constitue une péripétie également racontée par Apollonios de Rhodes -si l’on en croit les maigres fragments d’un poème intitulé « Canôbos » (fr. 1-3 Powell = ID 252440-252442)- et Élien (NA, XV, 13) qui n’apporte rien par rapport à Nicandre (également glosé par le schol. in Th., 309-317 Crugnola). Il est possible qu’Apollonios ait signalé un catastérisme de Canopos que Nicandre n’évoque pas alors qu’il aurait pu trouver là un parallèle avec Orion.

Apollonios se souviendra aussi de cet épisode lorsqu’il racontera la mort de Mopsos (Arg., IV, 1502-1536 = ID ). Un récit de Conon (Narr., 8) est consacré à Canopos et ajoute un élément érotique peut-être hérité d’une version hellénistique : il précise que Canopos fut mordu par une vipère (ὑπὸ ἐχίδνης δηχθείς) au moment du départ.

Le récit de la mort de Canopos est évidemment lié à la bouche canopique du Nil et à Canope censée tirer son nom du héros : voir Étienne de Byzance (s.v. Κάνωπος) citant Strabon (XVII, 1, 17) : ἀπὸ Κανώβου κυβερνήτου Μενελάου, ἀποθανόντος αὐτόθι. L’histoire semble remonter à Hécatée de Milet (fr. 308).

Cette péripétie s’est construite en marge de l’étape chez Thônis déjà évoquée dans l’Odyssée (IV, 228-229) et ensuite évoquée par Hérodote (II, 112-120) et Euripide dans l’Hélène. Il est vraisemblable qu’initialement Canopos était mordu par un serpent venimeux et que c’est ultérieurement que l’espèce mortelle fut identifiée avec l’haimorhois femelle (avant Nicandre, on trouve peut-être, en ce sens, le fr. 3 Powell du Canôbos d'Apollonios: ID 252442).

Autre élément qui vient préciser ce mythe: le châtiment d’Hélène (v. 316-317 = ID 136172) est étendu à plusieurs espèces psammophiles dont le céraste. On sait en effet qu’une autre légende associait le séjour d’Hélène à Pharos (à 120 stades de Canope) à la plante hélénion (Élien, NA, IX, 21), censée chasser les serpents : voir S. Amigues, « Un conte étymologique : Hélène et les serpents », Journal des savants, juillet-décembre 1990, p. 177-198 (repris dans Études de botanique antique, Paris, 2002, p. 413-428). Il y avait peut-être un lien entre les deux récits déjà chez Hécatée ( ?) : voir Étienne de Byzance (s.v. Ἑλένειον· τόπος πρὸς τῷ Κανώϐῳ) = Hécatée, fr. 309.

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S. Barbara